Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 mai 2021 d’un recours par plus de soixante députés contre la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Le Premier ministre a sollicité l’examen de ce texte selon la procédure d’urgence prévue par le troisième alinéa de l’article 61 de la Constitution française. Les requérants dénonçaient des atteintes aux libertés individuelles ainsi qu’une méconnaissance des règles de procédure législative lors de l’introduction du dispositif dit de passe sanitaire. La question de droit portait sur la proportionnalité des mesures de police sanitaire et la protection de la vie privée face aux impératifs de santé publique. Par sa décision n° 2021-819 DC du 31 mai 2021, la juridiction constitutionnelle a validé l’essentiel du texte sous une réserve d’interprétation concernant l’anonymisation des données numériques.
I. La validité des mesures de police sanitaire et l’instauration du passe sanitaire
A. Une compétence législative exercée dans le respect de l’intelligibilité de la loi
Les juges ont d’abord examiné la notion de « circulation active du virus » utilisée pour justifier des interdictions de déplacement ou des fermetures d’établissements recevant du public. Le législateur peut valablement renvoyer à des indicateurs techniques comme le taux d’incidence ou le facteur de reproduction pour définir avec précision l’intensité de l’épidémie. Cette approche garantit la clarté nécessaire à la mise en œuvre de mesures de police administrative par le Premier ministre sur certaines parties du territoire national. L’absence de seuils chiffrés directement inscrits dans la loi ne constitue pas une incompétence négative puisque le pouvoir réglementaire doit adapter ces critères évolutifs.
B. La conciliation équilibrée entre l’objectif de santé publique et les libertés individuelles
L’article 1er de la loi permet de subordonner l’accès à certains lieux à la présentation d’un justificatif vaccinal ou d’un test de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination. Le Conseil estime que le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé publique face à un risque de propagation virale persistante. Les restrictions ne s’appliquent qu’aux grands rassemblements pour des activités de loisirs, excluant ainsi les activités politiques, syndicales ou cultuelles protégées par les textes fondamentaux. Cette mesure temporaire respecte la liberté d’aller et de venir ainsi que la liberté d’entreprendre sans porter une atteinte disproportionnée aux droits des citoyens français.
II. La protection des données personnelles et la régularité des procédures parlementaires
A. L’encadrement strict du transfert des informations vers le système national des données de santé
L’article 7 de la loi prévoit l’intégration des données recueillies durant la crise sanitaire au sein du système national des données de santé pour une durée prolongée. Les requérants craignaient une atteinte au respect de la vie privée en raison de la conservation de ces informations médicales sensibles pendant une période de vingt années. Le Conseil valide ce dispositif car il vise à « améliorer les connaissances sur le virus responsable de l’épidémie » tout en renforçant les moyens de lutte sanitaire. Toutefois, il émet une réserve d’interprétation exigeant que l’exclusion des données identifiantes s’étende « aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés » pour assurer leur anonymat.
B. Le rejet des griefs procéduraux relatifs aux amendements d’origine gouvernementale
Les députés soutenaient que l’introduction du passe sanitaire par voie d’amendement visait à contourner l’obligation de présenter une étude d’impact devant le Conseil d’État. La juridiction rappelle que l’article 39 de la Constitution n’impose ces formalités qu’aux projets de loi initiaux et non aux modifications proposées ultérieurement par le Gouvernement. Cette solution réaffirme le droit d’amendement de l’exécutif et du Parlement sans méconnaître les exigences constitutionnelles de clarté et de sincérité du débat législatif. La procédure est donc déclarée régulière car les parlementaires ont pu débattre librement de ces dispositions malgré l’urgence invoquée par le Premier ministre.