Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2021-829 DC du 17 décembre 2021, s’est prononcé sur la loi organique pour la confiance dans l’institution judiciaire. L’autorité de saisine contestait l’élargissement du recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire au sein des formations de jugement des cours criminelles départementales. La réforme prévoyait l’intégration de magistrats honoraires et d’avocats honoraires afin de renforcer les effectifs des juridictions pénales. Le litige portait sur la conciliation entre l’efficacité de la justice et les principes d’indépendance et d’impartialité des magistrats de carrière. Le juge valide ces dispositions sous plusieurs réserves d’interprétation tout en censurant l’enregistrement automatique des audiences pénales devant une juridiction spécialisée. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’encadrement des fonctions judiciaires non professionnelles puis la protection des droits fondamentaux face aux choix législatifs.
I. L’encadrement des fonctions judiciaires non professionnelles
A. L’admission constitutionnelle du recours aux juges temporaires Le juge rappelle que les fonctions de magistrat doivent rester exercées par des personnes entendant consacrer leur vie à la carrière judiciaire. Toutefois, la Constitution ne fait pas obstacle à ce que des fonctions soient « exercées à titre temporaire par des personnes n’entendant pas embrasser la carrière ». Cette dérogation demeure limitée par l’exigence de garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d’indépendance indissociable de l’exercice des fonctions. Le juge constitutionnel veille ainsi au respect de l’article 6 de la Déclaration de 1789 relatif à l’égal accès aux emplois publics. La participation de juges non professionnels aux juridictions pénales de droit commun ne méconnaît pas, par elle-même, la liberté individuelle protégée.
B. La préservation rigoureuse de l’indépendance statutaire L’indépendance de l’autorité judiciaire impose que les magistrats recrutés provisoirement ne puissent pas exercer une part prépondérante des missions juridictionnelles. Le juge précise qu’au sein d’un tribunal « plus d’un tiers des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière » ne peut être exercé par ces agents. Cette limite quantitative garantit que le cœur du pouvoir judiciaire reste entre les mains de magistrats professionnels statutairement protégés. Les instances compétentes doivent également s’assurer que les candidats présentent les capacités nécessaires au vu de leur expérience professionnelle. Les magistrats temporaires sont soumis aux droits et obligations applicables à l’ensemble du corps judiciaire sous réserve de dispositions spécifiques.
II. La protection des droits fondamentaux face aux choix législatifs
A. Le statut spécifique des avocats honoraires en matière criminelle La loi permet la nomination d’avocats honoraires pour exercer les fonctions d’assesseur au sein des cours criminelles départementales sous certaines conditions. Ces magistrats d’un jour ne peuvent « composer majoritairement la cour criminelle départementale » afin de préserver l’équilibre de la formation de jugement. Le législateur a instauré des incompatibilités strictes pour éviter tout conflit d’intérêts avec l’ancienne activité libérale de l’auxiliaire de justice. Ces agents doivent s’abstenir de tout acte public incompatible avec leurs fonctions et souscrire une déclaration d’intérêts. Le juge estime que ces conditions garantissent l’impartialité nécessaire pour statuer sur des faits de nature criminelle.
B. La sanction de l’incompétence législative concernant les audiences L’article 4 de la loi prévoyait que « l’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences » devant une juridiction spécialisée est désormais de droit. Le juge constitutionnel censure cette disposition en invoquant la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa propre compétence constitutionnelle. Il appartient à la loi de fixer les garanties fondamentales pour l’exercice des libertés publiques et les règles de procédure pénale. En ne déterminant pas précisément les conditions de cet enregistrement, le texte prive de garanties légales le droit au respect de la vie privée. La présomption d’innocence risque également d’être affectée par une diffusion dont les modalités ne sont pas suffisamment encadrées.