Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-967/973 QPC du 11 février 2022

Le Conseil constitutionnel a rendu le 11 février 2022 une décision importante relative à la définition des stupéfiants au regard du principe de légalité. Cette question prioritaire de constitutionnalité examine la conformité de l’article 222-41 du code pénal ainsi que de l’article L. 5132-7 du code de la santé publique.

Un requérant faisait l’objet de poursuites criminelles et contestait la précision des textes fondant les incriminations liées au trafic de produits stupéfiants en France. Il estimait que la détermination des substances prohibées par simple voie réglementaire portait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution de 1958.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis cette interrogation au juge constitutionnel par un arrêt rendu le 24 novembre 2021. Une autre juridiction administrative a également saisi la même instance le 8 décembre 2021 afin de statuer sur la validité du dispositif de classement administratif.

Les parties soutenaient que le législateur ne pouvait déléguer à une autorité administrative le soin de définir le champ d’application exact des infractions pénales. Elles invoquaient une violation de l’article 34 de la Constitution et du principe de clarté de la loi qui découle de la Déclaration de 1789.

La question posée consistait à déterminer si le renvoi à un acte administratif pour identifier les stupéfiants constituait une incompétence du législateur français. Le Conseil devait trancher si les critères de classification étaient suffisamment encadrés pour exclure tout risque d’arbitraire de la part du pouvoir exécutif.

Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions conformes à la Constitution en soulignant que la notion de stupéfiant possède une signification précise pour le justiciable. L’analyse de cette décision suppose d’envisager la validation du renvoi technique au pouvoir réglementaire avant d’aborder la définition matérielle des substances prohibées.

I. L’admission du renvoi au pouvoir réglementaire pour la classification technique

A. La reconnaissance d’une compétence administrative encadrée

Le Conseil rappelle que le législateur doit fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et définir les crimes et délits en termes clairs. Cependant, le juge constitutionnel admet que la loi puisse renvoyer à l’autorité administrative le soin de préciser les éléments techniques nécessaires à l’application de la norme.

En l’espèce, le législateur n’a pas « conféré au pouvoir réglementaire la compétence pour déterminer les éléments constitutifs des infractions qui s’y réfèrent » directement. Cette solution préserve la hiérarchie des normes tout en permettant une mise en œuvre concrète des interdictions pénales par les autorités de santé publique.

B. La nécessité d’une adaptation aux réalités scientifiques et médicales

Le classement des plantes et substances vénéneuses dépend directement de l’évolution constante des connaissances scientifiques et des découvertes médicales réalisées dans le monde. Ce renvoi permet au droit pénal de s’adapter rapidement aux nouvelles drogues de synthèse sans exiger une modification législative pour chaque nouvelle molécule.

Il appartient ainsi à l’autorité administrative de procéder à ce classement complexe « en fonction de l’évolution de l’état des connaissances scientifiques et médicales ». Cette souplesse administrative garantit l’efficacité de la lutte contre le trafic de stupéfiants tout en respectant le cadre fixé par la loi.

II. La protection du principe de légalité par la définition de la notion

A. Le caractère explicite de la substance psychotrope

La décision précise que la « notion de stupéfiants, qui désigne des substances psychotropes se caractérisant par un risque de dépendance et des effets nocifs pour la santé ». Cette définition matérielle intégrée au raisonnement du juge constitutionnel permet de fixer les limites de l’action administrative lors du classement des produits.

Cette précision textuelle assure que le justiciable peut connaître la nature des substances dont la détention ou le trafic sont sévèrement réprimés par le code pénal. Le juge constitutionnel estime que ces critères sont suffisamment précis pour « garantir contre le risque d’arbitraire » dans la détermination des produits illicites.

B. L’exclusion de l’arbitraire par le contrôle juridictionnel

L’autorité administrative ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire total car ses décisions de classement restent soumises au contrôle de légalité exercé par le juge compétent. Le Conseil estime ainsi que le dispositif ne méconnaît pas le principe de légalité des délits et des peines car l’arbitraire est effectivement écarté.

Les griefs tirés de la méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines sont également balayés car les dispositions contestées n’instituent aucune incrimination. La validation de ce mécanisme de renvoi confirme la constitutionnalité d’une collaboration nécessaire entre le pouvoir législatif et les autorités techniques spécialisées.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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