Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5751 AN du 27 janvier 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 27 janvier 2023, la décision n° 2022-5751 AN relative au contentieux de l’élection des députés dans un département. Cette espèce interroge la validité d’une élection législative marquée par l’utilisation de bulletins de vote irréguliers au sein d’un bureau de vote.

À l’issue du premier tour, il est apparu que des bulletins d’une candidate d’une autre circonscription furent mêlés à ceux d’un candidat local. La commission de recensement a comptabilisé comme nuls cent trente-six bulletins ainsi viciés, conformément aux prescriptions rigoureuses du code électoral. Un candidat évincé a saisi le juge électoral d’une requête tendant à l’annulation des opérations électorales organisées les 12 et 19 juin 2022. Le requérant soutenait que l’éviction de ces suffrages avait modifié indûment l’identité des candidats qualifiés pour le second tour de scrutin. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si l’annulation de bulletins irréguliers, exprimant pourtant une intention claire, pouvait justifier l’annulation globale de l’élection. La juridiction répond par l’affirmative en constatant une altération manifeste de la sincérité du scrutin. Le juge souligne que l’absence de prise en compte de ces votes « a pu avoir pour effet de modifier l’identité des candidats qualifiés ». Il convient d’analyser d’abord la reconnaissance d’une expression altérée du suffrage avant d’étudier la sanction nécessaire de cette atteinte.

I. La reconnaissance d’une expression altérée du suffrage universel

A. L’irrégularité matérielle des bulletins litigieux

Le juge constitutionnel rappelle d’abord que l’utilisation de bulletins étrangers à la circonscription constitue une irrégularité formelle devant entraîner la nullité du suffrage. Ces documents furent « comptabilisés à bon droit comme nuls par la commission de recensement à l’issue du scrutin ». La rigueur des règles de forme garantit normalement la clarté du choix des électeurs et évite toute confusion lors du dépouillement des urnes. Cependant, cette nullité technique se heurte ici à la réalité d’une erreur de distribution manifeste au sein des bureaux de vote concernés.

B. La privation d’une portée utile au vote

La décision précise qu’il n’existait aucun « doute sur l’intention d’au moins une partie des électeurs » de soutenir le candidat issu du même parti. Malgré cette volonté identifiable, le mécanisme de nullité a conduit à ce que « le vote de ces électeurs a été privé de portée utile ». Le Conseil constitutionnel refuse de s’arrêter à la simple irrégularité formelle dès lors qu’aucune manœuvre frauduleuse n’est établie par les pièces de l’instruction. La reconnaissance de cette volonté frustrée impose d’évaluer l’impact réel de l’incident sur l’issue finale de la consultation électorale.

II. La sanction impérative d’une atteinte à la sincérité du scrutin

A. L’influence déterminante de l’écart de voix

La solution d’annulation repose essentiellement sur l’examen de l’influence de l’irrégularité sur les résultats globaux de la consultation électorale dans la circonscription. Le juge relève un « écart de huit voix entre le candidat et le dernier candidat qualifié pour le second tour ». Le nombre de bulletins nuls étant largement supérieur à cet écart, l’erreur matérielle a mathématiquement pesé sur la composition finale du second tour. La juridiction électorale ne peut ignorer une telle incertitude sans risquer de valider une élection dont le résultat final est juridiquement douteux.

B. L’annulation comme garantie du processus démocratique

Le Conseil conclut que l’absence de comptabilisation des voix irrégulières « a ainsi altéré la sincérité du scrutin » en modifiant potentiellement l’ordre des qualifications. Cette altération justifie pleinement le prononcé de l’annulation des opérations électorales contestées, conformément aux prérogatives fixées par l’article 59 de la Constitution. La protection du droit de suffrage exige que le résultat reflète fidèlement les aspirations des électeurs, même au prix d’une nouvelle organisation du vote. Le juge assure ainsi la légitimité démocratique de l’élu en écartant toute incertitude sur la validité de sa désignation par le peuple.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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