Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5853 AN du 7 avril 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 avril 2023, une décision relative au contrôle des comptes de campagne lors des élections législatives. Un candidat ayant concouru dans une circonscription départementale a vu son compte de campagne rejeté par l’autorité administrative de contrôle. La commission nationale a saisi le juge électoral le 19 octobre 2022 suite au constat d’une irrégularité dans le dossier produit. Elle reprochait à l’intéressé l’absence de production des relevés du compte bancaire unique ouvert spécifiquement pour l’élection législative. Le candidat a soutenu devant le juge que ces pièces pouvaient être produites ultérieurement pour justifier la réalité des dépenses. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si l’absence initiale de pièces justificatives imposait nécessairement le prononcé d’une inéligibilité. La haute juridiction confirme la régularité du rejet du compte tout en refusant de déclarer le candidat inéligible. Cette solution repose sur la distinction entre la validité administrative du compte (I) et l’appréciation judiciaire du comportement du candidat (II).

I. La sanction administrative d’un manquement aux obligations comptables

A. L’exigence de présentation des relevés bancaires L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat l’établissement d’un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes et dépenses. Ce document doit être déposé au plus tard le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin sous peine de sanctions. Le législateur exige la transmission des relevés du compte bancaire ouvert en application des dispositions législatives relatives au mandataire financier. Ces pièces sont essentielles car elles permettent d’« attester de la réalité et de la régularité de l’ensemble des opérations réalisées ». La transparence financière de la vie politique repose sur cette vérification précise des flux monétaires par l’autorité de contrôle.

B. Le bien-fondé du rejet prononcé par la commission nationale La commission nationale a rejeté le compte en raison de l’absence des relevés bancaires indispensables à l’examen de la comptabilité électorale. Le Conseil constitutionnel valide cette analyse en estimant que « c’est à bon droit » que l’autorité administrative a considéré le compte irrégulier. L’insuffisance des justificatifs ne permettait pas de retracer l’intégralité des opérations financières engagées par le mandataire pour le scrutin. Cette carence formelle constitue une méconnaissance directe des dispositions législatives relatives au financement des campagnes pour les mandats nationaux. L’irrégularité administrative ainsi constatée justifie la saisine du juge mais n’emporte pas automatiquement une sanction électorale.

II. L’exercice du pouvoir d’appréciation du juge de l’élection

A. La recevabilité des pièces justificatives fournies en cours d’instance L’intéressé a produit devant le Conseil constitutionnel les relevés bancaires manquants dont l’examen permet de justifier les dépenses litigieuses. Le juge électoral accepte de prendre en compte ces éléments nouveaux pour apprécier la sincérité globale du financement de la campagne. Cette pratique permet de pallier une négligence matérielle sans pour autant remettre en cause la décision initiale de la commission. Les pièces produites viennent « justifier les dépenses qui manquaient au dossier » lors de la phase de contrôle administratif préalable. La preuve de la régularité des opérations financières peut donc être rapportée utilement durant la phase contentieuse devant le juge.

B. L’absence de manquement d’une particulière gravité L’article L.O. 136-1 du code électoral prévoit l’inéligibilité en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité ». Le juge constitutionnel dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier si l’irrégularité constatée justifie une telle mesure de retrait des droits. En l’espèce, la production ultérieure des documents démontre l’absence de dissimulation volontaire de la part du candidat aux élections. Le Conseil considère qu’il « n’y a pas lieu » de déclarer l’inéligibilité malgré le rejet initial et fondé du compte. La sanction est écartée car la transparence financière n’a pas été substantiellement altérée par cette omission purement formelle.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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