Le Conseil constitutionnel, par une décision rendue le 31 mai 2023, statue sur le respect des obligations financières liées aux campagnes électorales législatives. Une candidate ayant obtenu plus de un pour cent des suffrages exprimés lors du scrutin de juin 2022 était soumise à l’obligation de dépôt. Le code électoral impose la présentation d’un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes et des dépenses au plus tard le dixième vendredi suivant le tour. Le délai légal expirait en l’espèce le 19 août 2022, mais la candidate a déposé ses documents seulement le 19 octobre de la même année.
Saisi de ce manquement, le juge de l’élection doit apprécier si ce retard injustifié motive une déclaration d’inéligibilité au sens des dispositions organiques. La candidate a produit des observations durant l’instruction sans toutefois démontrer l’existence de circonstances particulières susceptibles de justifier un tel report de deux mois. Le Conseil examine si le non-respect délibéré du calendrier de dépôt constitue un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement de la vie politique. Il décide que l’absence de justification sérieuse et la durée du retard justifient une mesure d’inéligibilité pour une durée de un an.
I. La constatation matérielle d’une méconnaissance des délais légaux de dépôt
A. L’impératif de transparence financière des comptes de campagne
L’article L. 52-12 du code électoral prévoit que chaque candidat soumis au plafonnement doit établir un compte de campagne s’il dépasse certains seuils. Ce document doit retracer, « selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées » en vue de l’élection. La loi impose également que ce compte soit déposé à une date précise pour permettre un contrôle effectif des fonds par l’autorité compétente. Cette obligation garantit l’égalité entre les candidats et la clarté des sources de financement tout au long de la période de compétition électorale.
B. L’absence de justifications valables aux manquements observés
Le délai de dépôt expirait impérativement le 19 août 2022, mais la candidate n’a transmis son dossier que soixante jours après l’échéance fixée. Le juge constitutionnel relève qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » de ces obligations. Le simple retard matériel, sans preuve d’un événement de force majeure, suffit à caractériser la violation des règles procédurales définies par le législateur. La rigueur des délais de dépôt constitue une garantie essentielle de l’ordre public électoral que la juridiction constitutionnelle entend faire respecter strictement.
II. La qualification juridique et la portée de la sanction d’inéligibilité
A. Le caractère de gravité particulière attaché au retard de dépôt
L’article L.O. 136-1 permet de déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte dans les conditions et les délais prescrits par la loi. Le Conseil constitutionnel retient ici la notion de « manquement d’une particulière gravité » pour sanctionner un dépôt intervenu tardivement au mois d’octobre 2022. Cette qualification juridique repose sur l’importance du délai de dix semaines dont disposent les candidats pour mettre leur compte en état d’examen approfondi. Le non-respect de ce calendrier entrave gravement la mission de contrôle de la commission nationale chargée de vérifier la régularité des financements.
B. La proportionnalité de l’inéligibilité prononcée par le juge électoral
Compte tenu de la nature des faits, le Conseil déclare la candidate inéligible à tout mandat pour une durée de un an à compter du délibéré. Cette mesure de police électorale vise à écarter temporairement de la représentation publique les citoyens ignorant les règles fondamentales de la transparence financière. La durée de la sanction est ici mesurée au regard de la persistance de l’omission et de l’absence totale de circonstances atténuantes probantes. Le juge assure ainsi une fonction régulatrice indispensable pour maintenir la confiance des électeurs dans l’intégrité et la probité des processus démocratiques.