Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-5941 AN du 24 mars 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 23 mars 2023, une décision relative au contrôle des opérations électorales lors des élections législatives de juin 2022. Un candidat s’est présenté aux suffrages des électeurs dans une circonscription législative sans respecter les prescriptions relatives au financement de sa campagne électorale. Plus précisément, le mandataire financier désigné par l’intéressé n’a procédé à l’ouverture d’aucun compte bancaire ou postal unique pour retracer les flux financiers engagés. L’autorité administrative chargée du contrôle des comptes a rejeté le compte de campagne du candidat par une décision rendue le 15 décembre 2022. Saisi le 21 décembre 2022, le juge de l’élection a examiné les observations du candidat qui invoquait un refus d’ouverture opposé par un établissement bancaire. Le litige porte sur la qualification juridique du défaut d’ouverture de compte et sur l’éventuelle inéligibilité résultant de ce manquement aux règles électorales. Le juge constitutionnel devait déterminer si l’absence de compte bancaire dédié, malgré les difficultés alléguées auprès des banques, constitue une violation grave justifiant une sanction. Le Conseil constitutionnel confirme le rejet du compte et déclare le candidat inéligible pour une durée d’un an en raison de la gravité du manquement. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’obligation stricte d’ouverture d’un compte bancaire unique avant d’examiner la sévérité de la sanction prononcée par le juge.

I. L’impératif de transparence financière par l’ouverture d’un compte bancaire unique

A. L’exigence de traçabilité des fonds de campagne

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier l’ouverture d’un compte bancaire unique pour retracer la totalité des opérations financières électorales. Cette règle garantit la transparence absolue des recettes et des dépenses engagées par les candidats afin de prévenir toute fraude ou financement occulte. Le juge rappelle que « le mandataire financier qu’il avait désigné n’a pas ouvert de compte bancaire » en violation manifeste des dispositions législatives applicables. Cette omission empêche toute vérification efficace de l’origine des fonds et de la réalité des dépenses par l’autorité administrative de contrôle compétente.

B. Le rejet inéluctable du compte dépourvu de support bancaire

L’autorité administrative a rejeté le compte car l’absence de compte bancaire constitue une irrégularité substantielle impossible à régulariser de manière rétroactive par le candidat. Le Conseil constitutionnel valide cette position en affirmant que « cette circonstance est établie » et que le rejet du compte est intervenu « à bon droit ». Le compte de campagne doit impérativement refléter l’ensemble des flux financiers de manière exhaustive et centralisée sur un support bancaire unique et identifiable. Sans ce support, le contrôle de l’équilibre financier et du respect des plafonds de dépenses devient techniquement irréalisable pour l’administration de contrôle. Cette rigueur formelle dans l’établissement des comptes constitue le préalable nécessaire à l’appréciation de la gravité des manquements et au prononcé des sanctions.

II. La sanction proportionnée d’un manquement d’une particulière gravité

A. L’insuffisance des justifications liées aux obstacles bancaires

Le candidat tentait d’excuser son manquement en invoquant « le refus qui aurait été opposé par un établissement bancaire à sa demande d’ouverture » de compte. Le Conseil constitutionnel rejette cet argument en précisant que cette difficulté ne peut faire obstacle à l’application des dispositions impératives du code électoral. L’ordre juridique offre pourtant des recours, comme le droit au compte auprès de l’autorité monétaire, pour pallier l’éventuelle inertie des banques privées. En ne sollicitant pas ces mécanismes de secours, le candidat commet une négligence que le juge ne saurait tolérer sans fragiliser la règle électorale.

B. La fermeté du juge garantissant la sincérité du scrutin

L’article L.O. 136-1 permet de prononcer l’inéligibilité en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales nationales. Le Conseil constitutionnel estime que le défaut d’ouverture de compte bancaire présente ce caractère de gravité en raison de l’atteinte directe à la transparence financière. Il prononce donc l’inéligibilité du candidat « à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision » pour sanctionner ce comportement. Cette jurisprudence constante assure l’égalité entre les candidats et maintient la confiance des citoyens dans la probité des élus au sein de la République.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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