Par sa décision du 12 août 2022, le Conseil constitutionnel examine la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour l’année 2022. Plusieurs parlementaires ont saisi la juridiction afin de contester la sincérité budgétaire ainsi que la réforme du mode de financement de l’audiovisuel public. Les requérants dénonçaient notamment l’absence d’étude d’impact pour certains amendements et la suppression de la contribution à l’audiovisuel public alors en vigueur.
Saisi sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, le Conseil doit apprécier si les prévisions de recettes fiscales respectent le principe de sincérité. Il examine également si le dispositif de rachat des jours de repos par les salariés possède sa place légitime au sein d’un texte financier. Enfin, les saisissants invoquent une atteinte à la liberté de communication des pensées résultant de la fragilisation supposée de l’indépendance des médias.
La question centrale porte sur la validité du remplacement de la redevance par une fraction de taxe sur la valeur ajoutée sans compromettre l’autonomie du secteur. Les juges constitutionnels valident l’essentiel de la loi mais assortissent leur décision d’une réserve d’interprétation stricte concernant la pérennité des futures ressources allouées. Cette analyse portera d’abord sur la régularité formelle de la loi budgétaire, avant d’étudier la mutation sécurisée du financement de la communication audiovisuelle.
I. L’affirmation de la régularité formelle et matérielle des dispositions budgétaires
A. Le contrôle de la sincérité et de la qualification des mesures financières
Le Conseil constitutionnel rappelle que la sincérité des lois de finances s’apprécie selon les informations disponibles et l’absence d’intention de fausser l’équilibre. Il juge que les hypothèses économiques retenues ne sont pas entachées d’une volonté délibérée de tromper le Parlement sur les grandes lignes budgétaires. Dès lors, le grief tiré d’une sous-évaluation manifeste des recettes fiscales est écarté faute d’éléments probants démontrant une telle manipulation des chiffres.
L’institution valide également l’insertion de l’article créant un dispositif de renoncement aux jours de repos en échange d’une majoration salariale exonérée de charges. L’article est validé car il « doit être regardé comme ayant sa place en loi de finances au titre des dispositions relatives à l’assiette ». Ces dispositions relatives aux modalités des impositions trouvent leur place en loi de finances au sens de la loi organique relative.
B. L’exercice encadré mais souverain du droit d’amendement parlementaire
Le Conseil rejette les critiques relatives aux conditions précipitées d’examen des amendements instaurant la réforme du financement du secteur public de la communication audiovisuelle. Il souligne que les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire n’ont pas été méconnues lors de l’adoption de ces mesures. Le droit d’amendement s’exerçant librement en séance, l’absence d’étude d’impact pour les initiatives parlementaires ne constitue pas une irrégularité de procédure constitutionnelle.
Les juges rappellent que l’évaluation préalable n’est obligatoire que pour les projets de loi déposés par le Gouvernement et non pour les modifications ultérieures. Cette solution classique préserve la faculté des députés et des sénateurs d’enrichir le texte au cours des navettes législatives sans contraintes techniques excessives. La procédure suivie est donc déclarée conforme, permettant ainsi l’entrée en vigueur de la réforme structurelle prévue par le pouvoir législatif national.
II. L’encadrement de la réforme du financement de l’audiovisuel public
A. Le rejet d’un principe constitutionnel de financement par redevance
Les requérants soutenaient que l’existence d’une redevance spécifique constituait un principe fondamental reconnu par les lois de la République depuis une loi de 1933. Le Conseil constitutionnel écarte fermement ce grief en considérant que le texte invoqué n’avait ni pour objet ni pour effet de consacrer une telle règle. Aucune norme supérieure n’impose ainsi au législateur de maintenir un impôt affecté unique pour assurer le fonctionnement des sociétés nationales de programme.
Le Conseil affirme que la loi de 1933 « n’a eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe » de financement par redevance. Le législateur peut librement abroger des textes antérieurs à la condition de ne pas priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. Cette position confirme la souplesse dont dispose le Parlement pour adapter le régime fiscal aux évolutions économiques et aux nécessités de simplification.
B. La garantie de l’indépendance par le maintien d’un niveau de ressources approprié
La décision souligne que la suppression de la contribution peut affecter la garantie des ressources, laquelle constitue un élément fondamental de l’indépendance du secteur. Le Conseil précise que la liberté de communication ne serait pas effective sans des programmes garantissant l’expression de tendances de caractère différent et l’honnêteté. Il appartient donc au pouvoir législatif de fixer chaque année un montant de recettes permettant aux établissements d’exercer leurs missions de service public.
Par une réserve d’interprétation, le juge constitutionnel conditionne la validité de la mesure à l’octroi de ressources suffisantes pour les années futures et postérieures. Il est jugé qu’il « incombera au législateur (…) de fixer le montant de ces recettes » pour garantir le bon exercice des missions confiées. Sous ces réserves expresses, le remplacement de la redevance par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée est validé.