Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-846 DC du 19 janvier 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu le 19 janvier 2023 une décision importante relative à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Plusieurs parlementaires ont saisi l’institution pour contester la validité de nombreuses dispositions portant sur la cybercriminalité, les procédures d’enquête et le statut des agents. Ils invoquaient notamment la méconnaissance du droit au respect de la vie privée, du droit à un procès équitable et des règles de procédure législative. La haute instance devait déterminer si les nouvelles techniques d’investigation numérique et les mesures de simplification pénale respectaient les exigences constitutionnelles fondamentales. Elle a finalement prononcé la censure partielle du texte, tout en validant l’essentiel des réformes structurelles proposées par le législateur.

Les requérants soutenaient que certains articles avaient été introduits par voie d’amendement sans présenter de lien suffisant avec le projet de loi initial. Ils critiquaient également l’extension des amendes forfaitaires délictuelles et les nouvelles modalités de l’enquête sous pseudonyme ou des transcriptions d’interceptions. La question posée portait sur la conciliation entre l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et la protection des libertés individuelles garanties par la Déclaration de 1789. Le juge constitutionnel devait vérifier si les garanties légales encadrant ces nouveaux pouvoirs d’enquête étaient suffisantes pour prévenir toute atteinte disproportionnée aux droits des citoyens.

Le Conseil constitutionnel a jugé que certaines dispositions étaient « contraires à la Constitution » en raison d’un manque de contrôle par l’autorité judiciaire ou d’un défaut de procédure. Il a néanmoins admis la constitutionnalité de la majorité des articles en soulignant l’importance de la lutte contre les nouvelles formes de criminalité numérique. L’analyse portera d’abord sur la protection de la régularité de la procédure parlementaire avant d’étudier l’encadrement substantiel des nouvelles prérogatives de police judiciaire.

I. La protection de la régularité de la procédure parlementaire

A. La reconnaissance d’un lien suffisant pour les mesures de sécurité numérique

Le Conseil constitutionnel vérifie que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Il a estimé que les articles relatifs à la répression de la cybercriminalité n’étaient pas dépourvus de lien avec le projet initial. Cette interprétation souple permet d’intégrer des dispositions pénales complémentaires dès lors qu’elles participent aux objectifs globaux de sécurité et de programmation. Les juges ont ainsi validé l’introduction en première lecture de mesures aggravant les peines pour accès frauduleux à des systèmes de traitement de données. Cette approche garantit une certaine cohérence législative tout en préservant le droit d’amendement des membres du Parlement et du Gouvernement.

B. La sanction nécessaire des cavaliers législatifs manifestes

Le juge sanctionne les articles qui ne présentent aucun rattachement avec les dispositions figurant dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat. L’article 15, qui aggravait la répression de certains comportements routiers, a été déclaré contraire à la Constitution pour ce motif procédural précis. La décision souligne que ces dispositions ont été « adoptées selon une procédure contraire à la Constitution » sans que le Conseil n’ait à examiner leur fond. Il en va de même pour l’article 26 relatif aux menaces de mort, considéré comme un cavalier législatif étranger au texte. Cette jurisprudence protège la clarté et la sincérité du débat parlementaire contre l’ajout de mesures hétérogènes lors de la discussion législative.

II. L’encadrement des prérogatives de police judiciaire

A. L’exigence impérative d’un contrôle par l’autorité judiciaire

L’article 66 de la Constitution impose que la police judiciaire soit « placée sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire » pour garantir les libertés publiques. Le Conseil a censuré les dispositions de l’article 10 qui dispensaient les enquêteurs de l’autorisation du magistrat pour des actes d’enquête sous pseudonyme licites. Les juges ont estimé que cette absence d’autorisation préalable « privent de garanties légales le droit à un procès équitable » au regard de la nature des actes. La possibilité pour des assistants d’enquête de transcrire des interceptions sans contrôle direct d’un officier de police judiciaire a également été invalidée par la Haute Cour. Cette vigilance assure que les évolutions techniques des services de police ne s’accompagnent pas d’un affaiblissement de la surveillance juridictionnelle nécessaire.

B. La validation des instruments de modernisation de la réponse pénale

Le Conseil a admis l’extension du mécanisme de l’amende forfaitaire délictuelle à de nouvelles infractions malgré les critiques portant sur l’individualisation des peines. Il rappelle que cette procédure simplifiée est licite pour des délits « dont les éléments constitutifs peuvent être aisément constatés » par les agents de police. Les juges ont également validé les nouveaux seuils d’habilitation pour les officiers de police judiciaire, jugeant qu’ils ne privaient pas de garanties légales la liberté individuelle. La création des assistants d’enquête a été acceptée pour les tâches matérielles, car elles « ne comportent aucun pouvoir d’enquête ou d’instruction » propre à ces agents. Cette décision permet une rationalisation des services de sécurité tout en maintenant un équilibre avec les droits fondamentaux de la défense.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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