Conseil constitutionnel, Décision n° 2022-996/997 QPC du 3 juin 2022

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 5 avril 2022 par la chambre criminelle de la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité. Deux individus, faisant l’objet d’un mandat d’arrêt décerné par un juge d’instruction, se trouvaient alors placés sous écrou extraditionnel dans un État étranger. Ces derniers ont saisi la juridiction d’instruction d’une requête en nullité dirigée contre l’acte fondant leur privation de liberté actuelle à l’étranger. Les requérants soutenaient que l’article 173 du code de procédure pénale méconnaissait la liberté individuelle ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif. Ils critiquaient l’absence d’obligation pour la juridiction d’instruction de statuer à bref délai sur leur demande de nullité du titre de détention.

Le problème de droit consiste à savoir si le défaut de délai contraignant pour statuer sur la nullité d’un mandat d’arrêt porte atteinte aux garanties constitutionnelles. Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 3 juin 2022, déclare la disposition contestée conforme à la Constitution sous une réserve d’interprétation impérative. La chambre de l’instruction doit dorénavant statuer dans les plus brefs délais lorsque la requête concerne un mandat d’arrêt exécuté par une détention. L’examen de cette décision conduit à analyser l’exigence de célérité imposée au juge (I), avant d’apprécier la portée de cette réserve d’interprétation protectrice (II).

I. L’affirmation d’une exigence de célérité juridictionnelle en matière de privation de liberté

Le Conseil constitutionnel rappelle d’abord qu’une personne placée sous écrou extraditionnel à l’étranger peut valablement saisir la chambre de l’instruction d’une requête en nullité. Cette faculté repose sur une interprétation constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation concernant les dispositions générales du code de procédure pénale. Bien que l’individu ne soit pas détenu sur le territoire national, la mesure de contrainte résulte directement d’un acte de procédure français contesté. La Haute juridiction reconnaît ainsi l’intérêt à agir du requérant dont la liberté est entravée par l’exécution internationale d’un mandat de justice.

Cependant, le droit commun de la procédure de nullité prévoit seulement un délai de principe de deux mois pour que la juridiction statue. Le Conseil constitutionnel relève que « la chambre de l’instruction dispose de manière générale d’un délai de deux mois, dont la méconnaissance n’est assortie d’aucune sanction ». Ce délai ordinaire apparaît insuffisant lorsque la liberté individuelle est en jeu, car il ne garantit pas un examen prompt de la légalité de la détention. L’autorité judiciaire doit agir avec une diligence particulière lorsque ses actes prolongent directement une situation de privation de liberté effective.

II. Une réserve d’interprétation garante de l’effectivité des droits fondamentaux

Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur l’article 16 de la Déclaration de 1789 pour exiger un traitement accéléré de la contestation. Il affirme qu’« en matière de privation de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais ». Cette formulation érige la célérité en composante intrinsèque du droit au recours lorsque l’acte attaqué justifie un placement sous écrou. La protection de la liberté individuelle, garantie par l’article 66 de la Constitution, commande une réponse juridictionnelle rapide pour mettre fin à d’éventuels arbitraires.

L’apport majeur de la décision réside dans la réserve d’interprétation neutralisant l’absence de délai spécifique dans le texte législatif contesté. Le Conseil énonce qu’il « incombe à la chambre de l’instruction de statuer dans les plus brefs délais » lorsqu’elle examine la nullité du mandat d’arrêt. Cette obligation supplétive permet d’assurer la constitutionnalité de la loi sans en censurer les termes, tout en orientant la pratique des magistrats. Le respect de cette exigence demeure toutefois placé sous le contrôle futur de la Cour de cassation, garante de l’application concrète des délais.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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