Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-5985 AN du 16 juin 2023

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la commission nationale compétente en date du 11 janvier 2023 concernant un candidat aux élections législatives. Cette saisine faisait suite à une décision administrative du 5 janvier 2023 relative au financement de la campagne menée dans un département français. L’intéressé avait recueilli plus de un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour de scrutin organisé au mois de juin 2022. Son compte de campagne affichait des montants supérieurs au seuil de quatre mille euros sans être toutefois présenté par un expert-comptable agréé.

Le candidat a produit des observations écrites le 18 janvier 2023 pour tenter de justifier l’absence de certification professionnelle de ses documents comptables. Il prétendait que sa situation financière ne lui permettait pas de supporter les honoraires d’un membre de l’ordre des experts-comptables. Le juge devait déterminer si une précarité pécuniaire pouvait dispenser un postulant aux fonctions législatives de respecter les formes impératives de transparence. Par sa décision du 16 juin 2023, le Conseil constitutionnel a jugé que ce manquement justifiait le prononcé d’une inéligibilité d’une année. Cette solution rigoureuse confirme la primauté de l’ordre public sur les circonstances personnelles avant d’en tirer les conséquences juridiques nécessaires.

I. L’exigence impérative de présentation du compte par un expert-comptable

A. Le caractère obligatoire du contrôle comptable externe

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat d’établir un compte de campagne dès lors qu’il atteint certains seuils de suffrages. Ce document doit retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour la conquête d’un mandat de député à l’Assemblée nationale. La loi précise que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables pour en garantir la sincérité. Cette formalité n’est facultative que si le candidat obtient moins de cinq pour cent des voix et dispose de faibles ressources financières. En l’espèce, le volume des flux bancaires imposait l’intervention d’un tiers qualifié pour s’assurer de la présence des pièces justificatives.

B. L’indifférence des difficultés financières du candidat

Le candidat invoquait son incapacité budgétaire à financer l’intervention d’un expert pour solliciter l’indulgence du juge électoral lors de l’examen de son dossier. Le Conseil constitutionnel rejette cet argument en affirmant que « cette circonstance n’est pas de nature à justifier la méconnaissance des obligations » légales en vigueur. Le juge refuse de créer une dérogation fondée sur le manque de moyens pour écarter une règle essentielle à la moralisation de la vie publique. Cette sévérité garantit que tous les candidats se soumettent aux mêmes exigences de vérification indépendante quel que soit leur patrimoine personnel. La méconnaissance de ce principe fondamental entraîne logiquement la mise en œuvre des pouvoirs de sanction dévolus au juge de l’élection.

II. La sanction de l’inéligibilité face au manquement aux obligations de financement

A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 permet au juge de prononcer l’inéligibilité en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales nationales. L’absence de présentation du compte par un expert-comptable prive la puissance publique d’une garantie technique indispensable au contrôle de la loyauté du scrutin. Cette omission est considérée par la jurisprudence comme une irrégularité substantielle qui ne saurait être couverte par la simple bonne foi du candidat évincé. Le Conseil constitutionnel retient ici que le non-respect des conditions de dépôt prescrites suffit à caractériser la faute sans qu’une fraude soit nécessaire. La rigueur de cette appréciation vise à prévenir toute dérive financière susceptible de fausser l’expression de la volonté générale lors des votes.

B. La portée de la mesure d’inéligibilité pour un an

Le juge constitutionnel déclare l’intéressé inéligible à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la notification de sa décision souveraine. Cette mesure de police électorale écarte temporairement le citoyen de la vie politique institutionnelle pour sanctionner son non-respect du cadre législatif et organique. La durée de la sanction est calibrée pour répondre à la gravité objective du manquement tout en restant proportionnée à la nature de l’irrégularité. Cette décision renforce la sécurité juridique des opérations électorales en rappelant aux partis que la transparence comptable est une condition sine qua non de l’élection. Le prononcé de l’inéligibilité assure ainsi la pleine efficacité des règles relatives au plafonnement et à la provenance des fonds de campagne.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture