Le Conseil constitutionnel a rendu le 26 mai 2023 une décision importante concernant le contrôle du financement des élections législatives de juin 2022. Une candidate s’étant présentée dans le département du Var a fait l’objet d’une saisine par la Commission nationale compétente en matière de comptes. Le litige repose sur le rejet du compte de campagne de l’intéressée par une décision de la Commission en date du 25 janvier 2023. Le motif du rejet résidait dans l’absence d’ouverture d’un compte bancaire unique par le mandataire financier conformément aux exigences du code électoral. La candidate n’a produit aucune observation probante devant les juges constitutionnels pour justifier ce manquement flagrant aux obligations légales de financement. Le juge de l’élection doit apprécier si l’absence d’un compte bancaire dédié permet de prononcer la nullité du compte et l’inéligibilité de la candidate. Le Conseil confirme le bien-fondé du rejet et sanctionne le manquement par une inéligibilité d’un an en soulignant sa gravité particulière. Cette solution repose sur la sanction d’une omission formelle impérative avant d’être qualifiée de manquement d’une particulière gravité justifiant la privation du droit d’éligibilité.
I. La sanction d’une omission formelle dans le financement de la campagne
A. Le caractère impératif du compte bancaire de campagne
L’article L. 52-6 du code électoral énonce une obligation fondamentale selon laquelle le mandataire financier doit ouvrir « un compte bancaire ou postal unique ». Ce compte a pour fonction de retracer la totalité des opérations financières engagées par le candidat durant la période de la campagne électorale. L’absence d’ouverture de ce compte par la candidate constitue une violation directe des dispositions législatives encadrant strictement la transparence des flux financiers. Le Conseil constitutionnel rappelle que le respect de cette formalité est essentiel pour permettre un contrôle efficace de l’origine et de la nature des fonds. Cette exigence garantit l’équilibre financier et prévient toute confusion entre les deniers personnels du candidat et les dépenses spécifiquement dédiées à l’élection.
B. L’insuffisance des justifications relatives aux obstacles bancaires
La candidate a tenté de justifier l’absence de compte en invoquant un refus systématique qui aurait été opposé par un établissement bancaire sollicité. Toutefois, les juges constitutionnels relèvent que l’intéressée « n’apporte, en tout état de cause, aucun élément au soutien de cette allégation » lors de la procédure. La preuve d’un refus bancaire doit être étayée par des documents écrits pour permettre l’application éventuelle des procédures de médiation ou de secours. L’absence de preuves matérielles rend l’argumentation de la candidate inopérante et confirme le caractère inexcusable du défaut d’ouverture du compte financier obligatoire. La Commission nationale a donc agi conformément au droit en rejetant un compte de campagne dépourvu de son support bancaire légal et exclusif.
II. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité
A. L’application rigoureuse des critères de l’article L.O. 136-1
L’article L.O. 136-1 prévoit que le juge peut déclarer inéligible un candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». Le Conseil constitutionnel dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour déterminer si une irrégularité atteint ce seuil de gravité requis par la loi organique. Dans cette espèce, le défaut total de compte bancaire est considéré comme une faute majeure car il empêche radicalement tout contrôle de la régularité comptable. Cette qualification juridique permet de dépasser la simple sanction administrative du rejet pour atteindre la capacité électorale de la personne ayant méconnu ses obligations. La jurisprudence constitutionnelle maintient ainsi une ligne stricte concernant les formalités de base qui assurent l’honnêteté et la clarté du financement politique.
B. La portée de la sanction sur l’équilibre du droit électoral
La décision prononce l’inéligibilité pour une durée d’un an, ce qui constitue une application proportionnée mais ferme des dispositions du code électoral en vigueur. Le juge souligne explicitement la « particulière gravité de ce manquement à l’obligation résultant de l’article L. 52-6 » pour justifier la privation du mandat. Cette solution renforce la portée préventive du droit électoral en dissuadant les futurs candidats de négliger les étapes indispensables de la gestion financière. La protection de la sincérité du scrutin dépend étroitement de la capacité des autorités à vérifier l’origine exacte des ressources utilisées durant la campagne. La décision du 26 mai 2023 confirme ainsi le rôle central du compte bancaire comme instrument de moralisation de la vie publique nationale.