Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6160 AN du 9 juin 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 9 juin 2023, une décision importante concernant le contrôle des comptes de campagne pour les élections législatives de juin 2022. Un candidat n’a pas veillé à l’ouverture d’un compte bancaire unique par son mandataire financier pour retracer l’ensemble de ses opérations. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte le 30 janvier 2023 pour ce motif précis. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 février 2023 afin de statuer sur les conséquences juridiques de ce manquement aux règles impératives. Le litige porte sur la validité du rejet du compte et sur l’éventuelle inéligibilité du candidat n’ayant pas respecté ces dispositions financières. Les juges affirment que le défaut d’ouverture de compte justifie le rejet et prononcent une inéligibilité d’un an contre l’intéressé. L’étude de cette décision permet d’analyser la rigueur des obligations comptables (I) avant d’examiner la mise en œuvre de la sanction d’inéligibilité (II).

I. La rigueur des obligations comptables liées au mandataire financier

A. L’exigence impérative d’un compte bancaire unique

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire unique retraçant la totalité des opérations financières de la campagne. Cette règle garantit la transparence du financement électoral en isolant les fonds de propagande du patrimoine personnel du candidat à l’élection. Le Conseil rappelle que ce compte doit préciser que le titulaire agit exclusivement en qualité de mandataire financier pour un candidat nommément désigné. Le respect de cette formalité constitue une condition de forme substantielle pour la validation ultérieure des recettes perçues et des dépenses engagées. L’absence totale de compte bancaire empêche tout contrôle effectif de la Commission sur l’origine et la nature réelle des flux financiers déclarés.

B. Le rejet justifié par l’absence de traçabilité financière

Les juges soulignent que le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut en aucun cas présenter un déficit. Le défaut d’ouverture du compte bancaire spécifique constitue une violation directe des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral. Le Conseil constitutionnel estime que « cette circonstance est établie » et confirme ainsi le bien-fondé de la décision de rejet prise par la Commission. Le rejet du compte devient automatique dès lors que la traçabilité des fonds ne peut être certifiée par un établissement de crédit habilité. Cette solution jurisprudentielle classique sanctionne la négligence du candidat qui ignore une règle fondamentale dont il ne pouvait méconnaître la portée réelle.

II. La mise en œuvre de la sanction d’inéligibilité

A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 du code électoral permet de déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. Cette sanction nécessite toutefois la constatation d’une volonté de fraude ou d’un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes. Le Conseil considère que l’omission d’ouverture d’un compte bancaire par le mandataire constitue un manquement suffisant pour justifier une mesure d’inéligibilité. Les juges précisent que le candidat « ne pouvait ignorer la portée » de cette obligation légale inscrite clairement dans les dispositions du code électoral. La méconnaissance d’une règle élémentaire de procédure financière est donc assimilée à une faute lourde sans qu’il soit nécessaire de prouver l’intention.

B. La proportionnalité de l’inéligibilité d’un an

Le Conseil déclare le candidat inéligible à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la date de la présente décision. Cette durée correspond au seuil minimal souvent retenu pour des manquements formels n’ayant pas de caractère frauduleux manifeste ou de dissimulation volontaire. La décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée aux autorités compétentes pour assurer son exécution immédiate et certaine. Cette mesure préventive vise à écarter de la vie publique les candidats incapables de respecter les exigences minimales de la gestion comptable électorale. Le juge constitutionnel maintient ainsi une discipline stricte indispensable à l’égalité entre les candidats et à la clarté du scrutin démocratique.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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