Le Conseil constitutionnel a rendu, le 1er juin 2023, la décision n° 2023-6168 AN relative au contentieux électoral suite à un manquement aux règles financières. Un candidat aux élections législatives de juin 2022 a obtenu plus d’un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour de scrutin. L’intéressé était donc légalement tenu d’établir et de déposer un compte de campagne retraçant l’ensemble de ses recettes et de ses dépenses électorales. L’autorité administrative chargée du contrôle a saisi le juge constitutionnel le 13 février 2023 pour constater ce défaut de dépôt.
Le candidat n’a produit aucune observation au cours de l’instruction contradictoire malgré la communication régulière de la saisine effectuée par l’instance de contrôle compétente. L’autorité administrative sollicite la déclaration d’inéligibilité du requérant en raison de la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 du code électoral. Le litige porte sur la question de savoir si l’absence totale de dépôt d’un compte de campagne constitue un manquement d’une particulière gravité.
Le Conseil constitutionnel constate la violation et considère qu’il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de l’intéressé pour une durée de trois années consécutives. L’analyse de cette décision conduit à examiner la caractérisation du manquement comptable avant d’étudier la portée de la sanction prononcée par le juge électoral.
I. La caractérisation d’un manquement grave aux obligations comptables
A. La méconnaissance flagrante du délai de dépôt obligatoire
Le code électoral impose au candidat l’établissement d’un compte de campagne dès lors qu’il franchit le seuil de un pour cent des suffrages. Ce document doit être déposé « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » auprès de la Commission. Or, l’instruction démontre que l’intéressé n’avait pas déposé son compte à l’expiration du délai légal malgré son obligation de se soumettre à ce contrôle. L’absence de toute démarche comptable constitue une violation directe des dispositions impératives régissant le financement des campagnes électorales au sein de la République.
B. L’absence de justification de la part du candidat
Le juge constitutionnel relève qu’il ne résulte pas de l’instruction que des « circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » légales. Le silence gardé par l’ancien candidat renforce le caractère inexcusable de l’omission constatée par l’administration lors de l’examen de la régularité du scrutin. La preuve du manquement découle ainsi mécaniquement de l’expiration du délai sans qu’aucun événement de force majeure ne vienne tempérer la responsabilité du requérant. La caractérisation de cette omission volontaire place l’ancien candidat sous le coup des sanctions prévues pour garantir la transparence des finances de la vie politique.
II. La sévérité de la sanction face à l’atteinte à la transparence financière
A. L’appréciation de la particulière gravité du manquement
Le Conseil constitutionnel souligne la « particulière gravité » du manquement pour fonder sa décision de retrait temporaire du droit de se présenter aux élections. La jurisprudence considère traditionnellement que le défaut de dépôt d’un compte est l’un des manquements les plus sévères aux principes de la démocratie. Cette rigueur s’explique par la nécessité de garantir l’égalité entre les compétiteurs et d’assurer le contrôle effectif des ressources utilisées durant la période électorale. L’absence totale de transparence financière fait obstacle au contrôle de la régularité des fonds et justifie une réaction ferme de la part du juge.
B. Le prononcé d’une inéligibilité de trois ans
En application de l’article L.O. 136-1, le Conseil déclare l’intéressé « inéligible […] à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision ». Cette durée correspond au plafond de la sanction administrative applicable lorsque la volonté de fraude ou le manquement d’une particulière gravité est formellement établi. La décision rappelle ainsi que le respect des délais et des formes comptables est une condition essentielle pour l’exercice futur de fonctions électives nationales. La publication au Journal officiel assure l’opposabilité de cette mesure individuelle tout en réaffirmant l’autorité des normes de financement dans le droit électoral français.