Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-6251 AN du 30 juin 2023

Par une décision du 29 juin 2023, le Conseil constitutionnel a statué sur le respect des règles de financement lors des élections législatives des 12 et 19 juin 2022. Un candidat ayant concouru dans la deuxième circonscription de Maine-et-Loire n’a pas vu son compte de campagne validé par l’autorité administrative de contrôle. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ledit compte par une décision du 19 décembre 2022 pour défaut d’ouverture de compte bancaire. Elle a ensuite saisi le juge électoral le 17 février 2023 afin qu’il se prononce sur l’éventuelle inéligibilité du candidat dont le compte fut écarté. Le grief repose sur l’absence totale de compte bancaire dédié, alors que cette formalité constitue une obligation fondamentale pour la traçabilité des opérations financières électorales. La question posée au juge constitutionnel consistait à déterminer si l’omission d’ouverture d’un compte bancaire justifie le rejet du compte et le prononcé d’une inéligibilité. Le Conseil constitutionnel confirme la décision de la Commission et déclare le candidat inéligible pour une durée d’un an à compter de sa décision. La solution retenue témoigne d’une application stricte des exigences de transparence financière tout en adaptant la sanction à la gravité du manquement constaté.

I. La rigueur procédurale relative au compte bancaire unique

A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte par le mandataire

Le droit électoral impose une organisation rigoureuse des finances des candidats afin de garantir une égalité réelle entre les différents compétiteurs du scrutin. « L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette disposition législative vise à assurer une séparation parfaite entre les fonds personnels du candidat et les sommes engagées pour la conquête des suffrages. L’ouverture de ce compte spécifique permet à l’autorité de contrôle de vérifier l’origine des recettes et la réalité des dépenses retracées dans le document comptable. En l’espèce, le mandataire financier désigné par le candidat n’avait procédé à aucune ouverture de compte, privant ainsi l’administration de toute visibilité sur les flux monétaires. Cette méconnaissance des règles de forme altère directement la fiabilité du compte de campagne déposé par le candidat à l’issue de la période électorale.

B. La sanction automatique du manquement aux obligations comptables

L’absence de compte bancaire dédié ne constitue pas une simple irrégularité formelle mais une violation substantielle des mécanismes de surveillance du financement de la vie politique. Le Conseil constitutionnel souligne que « cette circonstance est établie » et qu’en conséquence, le rejet du compte de campagne par la Commission nationale est parfaitement fondé. « C’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte de campagne » précise la haute juridiction. Le juge ne dispose ici d’aucune marge d’appréciation quant à la validation d’un compte dont la structure même contrevient aux exigences législatives de traçabilité. Cette sévérité est nécessaire pour prévenir toute dissimulation de dépenses ou de recettes qui pourraient fausser les résultats du scrutin ou le plafonnement légal. Le rejet du compte constitue le préalable indispensable avant que le juge électoral n’examine l’opportunité d’une sanction complémentaire touchant la capacité électorale de l’intéressé.

II. La mise en œuvre de la sanction d’inéligibilité

A. La reconnaissance d’un manquement d’une particulière gravité

Le rejet du compte de campagne n’entraîne pas systématiquement l’inéligibilité du candidat, car le juge doit apprécier la nature et la portée de la faute commise. L’article L.O. 136-1 du code électoral prévoit cette sanction « en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». L’absence d’ouverture de compte bancaire par le mandataire financier est régulièrement qualifiée par la jurisprudence constitutionnelle comme un manquement d’une gravité suffisante pour justifier une mise à l’écart. En privant le système de contrôle de son instrument principal de vérification, le candidat empêche toute analyse sérieuse de la transparence de son financement électoral. Cette omission prive de sens la mission de la Commission nationale, laquelle ne peut plus s’assurer du respect des interdictions relatives aux dons de personnes morales. Le juge constitutionnel estime donc que le non-respect de cette obligation cardinale justifie pleinement l’application de la mesure d’inéligibilité prévue par les textes organiques.

B. Une mesure de police électorale proportionnée aux circonstances

Le Conseil constitutionnel doit fixer la durée de l’inéligibilité en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait et de la défense produite par le candidat. « Compte tenu de ce manquement, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité » du candidat concerné à tout mandat électif pour une période déterminée par la juridiction. La décision fixe cette durée à un an, ce qui représente une mesure de clémence relative par rapport au maximum légal de trois années prévu. Cette modulation de la sanction permet de sanctionner la négligence grave sans pour autant exclure définitivement le candidat de la vie démocratique sur une période excessive. La décision sera notifiée aux autorités compétentes et publiée au Journal officiel de la République française conformément aux règles usuelles de la procédure contentieuse électorale. Le juge assure ainsi la protection de la sincérité des scrutins tout en respectant le principe de proportionnalité des sanctions juridiques dans un État de droit.

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Hassan KOHEN
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