Le Conseil constitutionnel, par une décision du 20 mars 2024, statue sur le contentieux des élections sénatoriales organisées le 24 septembre 2023. Plusieurs requérants ont sollicité l’annulation du scrutin en invoquant des irrégularités matérielles lors de la désignation des délégués et des manœuvres électorales. Les juges ont examiné la validité des procurations, le respect des délais de procédure et la sincérité des documents électoraux. Les griefs portaient notamment sur la substitution de délégués suppléants et l’usage contesté d’une étiquette politique sur les bulletins de vote. La juridiction devait déterminer si ces manquements, réels ou supposés, étaient de nature à altérer les résultats d’un collège électoral spécifique. Le Conseil constitutionnel rejette l’ensemble des prétentions en constatant l’absence d’incidence déterminante des rares irrégularités avérées sur l’issue du scrutin.
I. La vérification rigoureuse de la régularité des opérations préparatoires au scrutin
A. La sanction de l’irrecevabilité des griefs tardifs et formels Le juge constitutionnel rappelle l’importance du respect des délais fixés par l’ordonnance du 7 novembre 1958 pour la présentation des nouveaux moyens de droit. Un grief relatif aux prescriptions sur l’acceptation des fonctions par les délégués a été soulevé pour la première fois dans un mémoire en réplique. Le Conseil juge que ce moyen, présenté après l’expiration du délai de dix jours, « est, dès lors, irrecevable » conformément aux règles organiques. Cette sévérité procédurale garantit la stabilité du contentieux électoral en interdisant l’introduction de critiques nouvelles au-delà de la période légale de saisine. La décision souligne également l’exigence de signature des requêtes par leurs auteurs, entraînant l’irrecevabilité partielle d’une demande collective non signée par tous. Le formalisme administratif s’impose ainsi comme une condition préalable indispensable à l’examen au fond des contestations portant sur la désignation des grands électeurs.
B. Le contrôle matériel de la désignation et du remplacement des délégués L’instruction a permis d’écarter les soupçons de fraude concernant des procurations dont l’authenticité a été confirmée par les conseillers municipaux eux-mêmes après vérification. Les juges considèrent que l’ajout manuscrit d’électeurs sur les listes d’émargement vise simplement à rectifier des erreurs matérielles ou à enregistrer des démissions récentes. Concernant les remplacements, le Conseil relève qu’un délégué suppléant a voté sans que les documents attestant l’empêchement du titulaire ne soient annexés au procès-verbal. Toutefois, la juridiction précise que « cette seule irrégularité est, eu égard à l’écart des voix, sans incidence sur la sincérité du scrutin » en cause. Le juge privilégie une approche pragmatique où l’erreur isolée ne suffit pas à invalider l’élection si elle ne modifie pas l’attribution des sièges.
II. La préservation de la sincérité du scrutin face aux allégations de manœuvres
A. L’appréciation nuancée de la confusion sur l’investiture politique Les requérants soutenaient qu’une liste s’était indûment prévalue d’une large coalition politique alors qu’elle ne bénéficiait que du soutien d’une seule formation précise. Le Conseil constitutionnel rejette ce grief en soulignant que les mentions utilisées « n’ont pas été de nature à induire en erreur le collège électoral » local. Cette appréciation se fonde sur la composition particulière des électeurs sénatoriaux, lesquels sont des élus supposés parfaitement informés des réalités des investitures politiques. La présence d’autres logos désignant clairement le parti de soutien et l’étiquetage ministériel officiel ont permis de lever toute ambiguïté sur l’identité de la liste. La sincérité du scrutin est ainsi protégée par la capacité de discernement des grands électeurs face aux stratégies de communication des candidats.
B. La validation globale des opérations de vote et de dépouillement La contestation portait enfin sur le non-respect des règles de forme lors du dépouillement, notamment l’absence d’annexion des enveloppes ayant contenu les bulletins nuls. Les juges rappellent que le code électoral n’impose que l’annexion des bulletins eux-mêmes, rendant le grief inopérant face à la lettre stricte des textes. De même, la disposition physique des bulletins sur les tables de décharge ne caractérise aucune « rupture de l’égalité entre les candidats ni manœuvre » frauduleuse. Le Conseil constitutionnel refuse de sanctionner des pratiques qui ne démontrent pas une intention de manipuler le vote ou d’altérer la volonté des électeurs. En l’absence de preuves d’une fraude systématique, la stabilité des résultats proclamés par la commission de recensement des votes demeure la priorité absolue du juge.