Conseil constitutionnel, Décision n° 2023-862 DC du 28 décembre 2023

Le Conseil constitutionnel a rendu le 28 décembre 2023 une décision majeure portant sur la conformité de la loi de finances pour l’année suivante. Plusieurs saisines parlementaires critiquaient la régularité de la procédure d’adoption ainsi que le défaut de sincérité des prévisions économiques avancées par le pouvoir exécutif. Les requérants contestaient également de nombreuses dispositions de fond, invoquant notamment des atteintes aux principes de laïcité et d’égalité devant les charges publiques. La procédure législative fut marquée par l’engagement répété de la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le fondement de l’article quarante-neuf. Les auteurs des recours soutenaient que ce recours fractionné aux outils de rationalisation parlementaire aurait entravé l’exercice effectif du droit d’amendement des députés. Ils dénonçaient aussi l’absence d’études d’impact pour les amendements gouvernementaux et l’insincérité manifeste des hypothèses de croissance du produit intérieur brut. Le Conseil constitutionnel devait ainsi déterminer si le recours aux outils constitutionnels de rationalisation et l’arbitrage budgétaire respectaient les exigences de clarté. Les juges déclarent la procédure conforme mais censurent l’article trente et un relatif aux fédérations sportives ainsi que de nombreux cavaliers budgétaires. L’analyse portera d’abord sur la validation de l’architecture financière et de la procédure avant d’aborder le contrôle rigoureux de l’égalité fiscale.

I. La validation de l’architecture financière et de la procédure législative

A. La régularité du recours aux instruments du parlementarisme rationalisé

Le Conseil constitutionnel confirme que le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d’un projet de loi de finances. Cette prérogative, conférée par le troisième alinéa de l’article quarante-neuf, n’est soumise qu’aux seules conditions explicitement posées par les dispositions constitutionnelles. Les juges précisent que « l’exercice de la prérogative ainsi conférée au Premier ministre n’est soumis à aucune autre condition que celles posées par ces dispositions ». Le recours fractionné à cet outil pour les différentes parties de la loi ne méconnaît pas les exigences de la loi organique. Le droit d’amendement demeure préservé car l’engagement de responsabilité peut intervenir à tout moment lors de l’examen du texte devant l’assemblée. L’absence d’études d’impact pour les amendements gouvernementaux est jugée régulière puisque la Constitution n’impose cette formalité qu’aux seuls projets de loi. Cette interprétation stricte des textes constitutionnels sécurise ainsi les modalités d’adoption des lois budgétaires dans un contexte politique complexe.

B. La reconnaissance de la sincérité économique du budget annuel

Le contrôle de la sincérité budgétaire s’exerce par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances. Les juges estiment que la sincérité « s’apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler » à la date du dépôt. Malgré les critiques sur une croissance estimée à un virgule quatre pour cent, le Conseil ne relève aucune intention délibérée de tromper. L’avis du Haut conseil des finances publiques, bien que qualifiant les prévisions d’optimistes, ne suffit pas à démontrer une insincérité manifeste. Il appartient au Gouvernement d’informer le Parlement si des circonstances nouvelles viennent remettre en cause les hypothèses économiques initiales en cours d’exécution. Cette validation de la trajectoire budgétaire n’exclut cependant pas un contrôle substantiel des mesures fiscales spécifiques au regard des principes fondamentaux.

II. Le contrôle rigoureux de l’égalité fiscale et du périmètre budgétaire

A. La censure des privilèges fiscaux injustifiés pour certains organismes internationaux

L’article trente et un prévoyait une exonération d’impôt sur les sociétés et d’impôt sur le revenu pour certaines fédérations internationales et leurs salariés. Le législateur souhaitait renforcer l’attractivité du territoire national en incitant ces organismes reconnus par le mouvement olympique à installer leur siège social. Le Conseil constitutionnel juge que le critère de distinction retenu n’est pas fondé sur des éléments objectifs et rationnels en rapport avec le but. En effet, il censure la mesure car « le législateur n’a pas fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but qu’il s’est proposé ». Cette décision rappelle que les incitations fiscales doivent respecter l’égalité devant les charges publiques sans créer de ruptures caractérisées injustifiées. À l’inverse, les mesures de soutien au patrimoine religieux local sont validées car elles visent uniquement l’entretien des édifices appartenant aux personnes publiques.

B. L’épuration de la loi de finances des dispositions étrangères au domaine budgétaire

Le juge constitutionnel exerce une vigilance particulière contre la pratique des cavaliers budgétaires en censurant de nombreuses dispositions dépourvues de lien financier direct. Les articles relatifs au financement de l’industrie de défense ou à la police des transports sont ainsi déclarés contraires à la Constitution. Ces mesures « ne concernent ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties de l’État ». La censure pour motif procédural ne préjuge pas de la conformité du fond de ces articles mais protège la spécificité des lois budgétaires. Cette décision du 28 décembre 2023 réaffirme l’exigence d’un contenu strictement financier pour les textes issus de la procédure de l’article quarante-sept. Le Conseil assure ainsi la clarté des débats en évitant l’insertion de réformes structurelles dans un texte dont l’objet est purement comptable.

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Hassan KOHEN
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