Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-1122 QPC du 14 février 2025

Par une décision rendue le 14 février 2025, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution d’une disposition relative au placement à l’isolement. Un justiciable, placé en détention provisoire dans le cadre d’une information judiciaire, a été soumis à une mesure d’isolement par une ordonnance du juge d’instruction. La chambre criminelle de la Cour de cassation a transmis au Conseil constitutionnel, le 26 novembre 2024, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cette mesure. Le requérant soutenait que l’absence de délai imposé au président de la chambre de l’instruction pour statuer sur le recours méconnaissait le droit au recours effectif. La question posée aux sages portait sur la nécessité d’un encadrement temporel législatif pour garantir l’efficacité de la protection des droits du détenu isolé. Le Conseil constitutionnel a déclaré la disposition conforme, estimant que l’exigence d’un délai raisonnable suffisait à garantir le respect des droits et libertés constitutionnels. La compréhension de cette solution nécessite d’analyser d’abord la qualification juridique de la mesure d’isolement avant d’étudier l’application de la notion de délai raisonnable au recours.

**I. La nature juridique de l’isolement et la garantie du droit au recours**

**A. Une mesure d’exécution de la détention excluant une privation de liberté nouvelle**

Le juge constitutionnel précise d’emblée que l’isolement « a pour seul objet de séparer » le détenu des autres personnes pour les nécessités de l’information. Cette mesure ne constitue pas une privation de liberté supplémentaire mais s’analyse comme une simple modalité d’exécution de la mesure de sûreté initiale. En conséquence, les griefs tirés de la méconnaissance de la liberté individuelle et du droit à la sûreté se trouvent écartés par la juridiction. L’isolement ne modifie pas la nature de l’incarcération mais organise seulement les conditions de vie en détention pour préserver le bon déroulement des investigations. Cette approche permet de maintenir la mesure sous le contrôle du juge d’instruction sans exiger les garanties propres à un nouveau titre de détention.

**B. L’effectivité du contrôle juridictionnel exercé par le président de la chambre de l’instruction**

L’article 16 de la Déclaration de 1789 impose qu’il ne soit pas porté d’atteinte substantielle au droit des personnes d’exercer un recours devant une juridiction. Le texte contesté prévoit expressément que la décision du juge d’instruction « peut faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction ». Le requérant peut ainsi solliciter à tout moment la mainlevée de la mesure de séparation ordonnée par le magistrat instructeur au sein de l’établissement. Cette possibilité de saisine directe garantit une voie de contestation juridictionnelle contre une décision judiciaire susceptible d’affecter gravement les conditions de la détention. L’existence formelle de ce recours remplit la première exigence constitutionnelle de protection des droits fondamentaux de l’individu placé sous main de justice.

**II. L’encadrement temporel du recours par le standard du délai raisonnable**

**A. Le rejet d’une détermination législative rigide des délais de jugement**

Le Conseil constitutionnel observe qu’en dehors du cumul avec un appel sur la détention, « la loi ne fixe aucun délai au juge » pour statuer. Cette absence de précision temporelle dans le code de procédure pénale ne constitue pas pour autant une incompétence négative du législateur entachant la procédure. La jurisprudence constante impose déjà un examen dans les plus brefs délais lorsque la chambre de l’instruction statue simultanément sur le titre de détention. En séparant les deux situations, le législateur a entendu laisser une marge d’appréciation au juge du recours selon la complexité des nécessités de l’information. Cette souplesse textuelle n’exonère pas le magistrat de ses obligations de célérité mais évite une sanction automatique liée à l’expiration d’un délai bref.

**B. La protection de la dignité humaine par l’office du juge du recours**

Pour valider le dispositif, les sages affirment que le juge « doit toujours statuer dans un délai raisonnable » pour s’assurer du respect de la dignité. Cette référence au délai raisonnable supplée l’absence de durée chiffrée et permet un contrôle adapté aux circonstances particulières de chaque placement à l’isolement. Le magistrat doit vérifier que la mesure demeure strictement indispensable et proportionnée aux impératifs de l’enquête criminelle tout en garantissant les droits fondamentaux. Le respect des articles du code pénitentiaire assure ainsi une protection efficace du détenu contre tout maintien arbitraire ou prolongé dans un régime de séparation. La décision confirme que l’efficacité du recours juridictionnel repose davantage sur l’effectivité du contrôle de proportionnalité que sur la rigueur d’un calendrier législatif.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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