Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6336 AN du 7 mars 2025

Le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 7 mars 2025, s’est prononcé sur la validité de l’élection d’un député à l’Assemblée nationale. À la suite du second tour des élections législatives de juillet 2024, un candidat a sollicité l’annulation des opérations électorales dans sa circonscription. Le requérant fondait sa contestation sur des irrégularités concernant le financement de la campagne, la propagande municipale et la tenue des émargements. Le juge électoral a examiné les griefs avant de procéder à un recomptage précis des voix en raison de signatures litigieuses constatées. Le Conseil rejette finalement la requête en considérant que les manquements n’ont pas modifié le sens du scrutin compte tenu de l’écart. L’étude de la décision suppose d’analyser d’abord la régularité de la propagande électorale avant d’apprécier la sincérité technique des opérations de vote.

I. Le contrôle de la régularité de la propagande électorale

A. L’absence de financement illicite par des personnes morales

Le premier grief concernait le financement occulte par une personne morale, pratique prohibée par le code électoral pour garantir l’égalité des candidats. L’article L. 52-8 dispose que « les personnes morales […] ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat ». En l’espèce, un automate d’appel avait diffusé un message vocal du maire d’une commune en faveur du candidat élu lors du scrutin. Le Conseil constitutionnel relève que le bénéficiaire a payé un prestataire privé et a régulièrement inscrit cette dépense dans son compte de campagne. Cette opération ne constitue donc pas un don prohibé ni une pression illégitime sur les électeurs de la commune concernée par l’appel.

B. L’impact limité des manquements aux règles de communication institutionnelle

La contestation portait également sur un message de soutien publié par le maire d’une autre localité sur le site internet institutionnel municipal. Le juge estime que ce texte, bien que regrettable dans sa forme, se bornait à rappeler des résultats et des soutiens politiques locaux. Le Conseil décide que « la diffusion de ce message ne peut […] être regardée comme une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ». Il écarte aussi les griefs sur le premier tour car l’irrégularité alléguée n’a pas modifié l’ordre de préférence exprimé par le corps électoral. Ces éléments soulignent la volonté du juge de ne sanctionner par l’annulation que les actes ayant un impact déterminant sur le choix citoyen.

II. Le contrôle de la sincérité des opérations de vote

A. La sanction des irrégularités constatées sur les listes d’émargement

La sincérité du scrutin repose sur la vérification de l’identité des votants, laquelle est attestée par l’apposition d’une signature sur la liste. Selon l’article L. 62-1, « le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom ». Le requérant alléguait des différences significatives entre les émargements des deux tours pour cent cinquante-deux électeurs inscrits dans plusieurs bureaux de vote. Le Conseil constitutionnel juge que « seule la signature personnelle […] est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin ». Après un examen rigoureux, il identifie vingt-cinq votes irréguliers et procède à leur déduction systématique du total obtenu par le candidat élu.

B. L’exigence d’une incidence réelle sur l’issue du scrutin

L’annulation d’une élection dépend du maintien ou non de la majorité des suffrages après la déduction des voix entachées d’une quelconque irrégularité. Le juge constitutionnel recalcule l’écart de voix entre les deux candidats présents au second tour pour vérifier si le résultat demeure inchangé. Malgré la soustraction des vingt-cinq suffrages irréguliers, le candidat élu conserve une avance de cent-quinze voix sur son adversaire immédiat dans la circonscription. Le juge en déduit que « cette rectification n’est donc pas de nature à affecter le résultat de l’élection » souverainement exprimé par les électeurs. La décision confirme ainsi la stabilité des mandats électifs lorsque les erreurs constatées ne sont pas susceptibles de renverser la majorité des voix.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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