Conseil constitutionnel, Décision n° 2024-6391 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 5 juin 2025, statue sur la validité du financement électoral d’un candidat aux élections législatives. Ce dernier a concouru lors des scrutins organisés les 30 juin et 7 juillet 2024 sans respecter l’intégralité des obligations comptables impératives. La commission nationale des comptes de campagne a prononcé le rejet de son compte après avoir constaté l’absence d’ouverture d’un compte bancaire unique. Saisi le 29 octobre 2024, le juge constitutionnel doit apprécier si ce défaut constitue un manquement justifiant l’inéligibilité du candidat non élu. Le Conseil confirme le rejet du compte en raison de la violation directe de l’article L. 52-6 du code électoral par le mandataire financier. Il déclare ensuite l’inéligibilité de l’intéressé pour une durée d’un an en soulignant la gravité particulière de cette omission aux règles de financement. L’analyse de cette solution exige d’étudier le rejet du compte fondé sur l’absence de compte bancaire, avant d’envisager la sanction d’inéligibilité.

**I. Le rejet du compte de campagne fondé sur l’absence de compte bancaire dédié**

**A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte unique par le mandataire**

Le code électoral prévoit que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement […] est tenu d’établir un compte de campagne » selon des modalités strictes. L’article L. 52-6 impose au mandataire financier d’ouvrir un compte bancaire unique afin de « retracer la totalité de ses opérations financières » durant la campagne. Cette formalité constitue le socle indispensable du contrôle exercé par la commission nationale sur l’origine et la nature des recettes comme des dépenses. Le compte doit être présenté par un expert-comptable sauf si le candidat obtient moins de 5 % des suffrages et engage des dépenses limitées.

**B. La constatation objective d’une violation substantielle des règles de transparence**

Dans l’espèce commentée, le juge relève que « le mandataire financier n’avait pas ouvert de compte bancaire » en violation manifeste des dispositions législatives précitées. Cette circonstance matérielle est établie par les pièces du dossier et justifie légalement la décision de rejet prise par l’autorité de contrôle. L’absence de compte bancaire unique empêche toute vérification sérieuse de la réalité et de la licéité des fonds utilisés pour la campagne électorale. La solution retenue par le Conseil constitutionnel confirme ici une jurisprudence constante relative au caractère substantiel de l’obligation de traçabilité des flux financiers.

La confirmation du rejet du compte de campagne entraîne nécessairement l’examen par le juge de la nécessité de prononcer une sanction d’inéligibilité contre le candidat.

**II. Le prononcé d’une inéligibilité proportionnée à la gravité du manquement**

**A. La qualification souveraine d’un manquement d’une particulière gravité**

L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité ». Le Conseil constitutionnel dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour qualifier l’intensité de la violation commise par l’intéressé lors de sa période de campagne. Il retient en l’espèce l’existence d’une particulière gravité pour justifier le prononcé d’une sanction privative du droit de se présenter à un futur scrutin. Ce manquement aux règles de financement des campagnes électorales porte atteinte à l’égalité entre les candidats et à la clarté des opérations électorales.

**B. L’appréciation de la connaissance de la règle par le candidat fautif**

Pour motiver sa décision, le juge souligne qu’il s’agit d’un « manquement à une règle dont le candidat ne pouvait ignorer la portée » pratique évidente. Cette présomption de connaissance des règles fondamentales du droit électoral renforce la sévérité de la sanction d’un an d’inéligibilité appliquée à l’espèce. La décision assure ainsi l’effectivité des règles de transparence financière tout en respectant le principe de proportionnalité inhérent aux sanctions prononcées en contentieux. Le juge constitutionnel réaffirme sa rigueur face aux omissions qui privent l’administration et le juge de tout moyen de contrôle sur les fonds électoraux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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