Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 juin 2025, une décision relative au contentieux électoral des députés suite aux élections législatives de juin 2024. Une candidate ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés était tenue de déposer son compte de campagne auprès de la commission compétente. À l’expiration du délai légal prescrit, aucun document n’a été transmis malgré l’obligation de retracer les recettes et les dépenses engagées. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge électoral afin de statuer sur cette omission. La candidate justifiait ce manquement par des difficultés matérielles persistantes pour procéder à l’ouverture d’un compte bancaire durant la période électorale. La question posée au juge constitutionnel consistait à déterminer si le défaut total de dépôt d’un compte de campagne constitue un manquement d’une particulière gravité. Le Conseil constitutionnel juge que l’absence de dépôt justifie une sanction d’inéligibilité malgré les difficultés bancaires alléguées par la requérante pour sa défense.
**I. La caractérisation du manquement aux obligations de transparence financière**
**A. L’impératif de dépôt du compte de campagne pour les candidats**
L’article L. 52-12 du code électoral impose à tout candidat ayant franchi le seuil de 1 % des voix d’établir un compte équilibré. Cette règle permet de vérifier que le plafonnement des dépenses est strictement respecté tout en garantissant la sincérité du scrutin pour les électeurs. Le juge rappelle ainsi que le compte « doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ». Le délai imparti se termine impérativement le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin pour assurer un contrôle rapide des fonds. Le non-respect de cette formalité prive l’autorité de contrôle de tout moyen d’investigation sur l’origine et la nature des ressources perçues. La décision souligne la rigueur nécessaire du cadre législatif encadrant le financement de la vie politique dans un État de droit.
**B. L’inefficacité des justifications fondées sur des obstacles bancaires**
La candidate arguait de difficultés majeures pour ouvrir un compte bancaire spécifique afin de justifier l’absence totale de transmission de ses relevés financiers. Le Conseil constitutionnel écarte cet argument en estimant qu’il « ne résulte pas de l’instruction que cette circonstance » soit de nature à l’exonérer. Les obstacles administratifs ou bancaires ne sauraient en effet dispenser un candidat du respect des délais légaux imposés par le code électoral. Le juge estime que la requérante n’a pas démontré avoir agi avec toute la diligence requise pour surmonter les contraintes matérielles rencontrées. Cette sévérité jurisprudentielle vise à éviter que des arguments purement factuels ne deviennent un moyen facile de contourner les obligations de transparence.
**II. La détermination de la sanction d’inéligibilité pour faute grave**
**A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité**
Le juge constitutionnel se fonde sur l’article L.O. 136-1 pour sanctionner les comportements portant atteinte à l’intégrité du processus électoral démocratique. Le défaut de dépôt du compte est considéré par principe comme une faute lourde dès lors qu’il empêche tout contrôle ultérieur de la commission. La décision précise que « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », l’autorité juridictionnelle doit prononcer une peine adaptée à la situation. Cette qualification juridique repose sur l’idée que le silence du candidat constitue en soi une volonté délibérée de se soustraire aux règles communes. Le juge ne recherche pas nécessairement une fraude manifeste mais constate l’absence d’une pièce essentielle au contrôle de la légalité électorale.
**B. La proportionnalité de l’inéligibilité dans le temps**
Le dispositif prévoit l’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour une durée ferme de trois ans à compter de la date de notification. Cette durée correspond à l’appréciation classique du juge pour les cas de non-dépôt total ne présentant aucune circonstance atténuante probante lors de l’instruction. Le Conseil constitutionnel exerce ici sa mission de gardien de la moralité électorale en excluant temporairement du jeu politique ceux qui en méconnaissent les bases. La sanction frappe non seulement les scrutins législatifs mais s’étend à l’ensemble des mandats électifs conformément aux dispositions organiques en vigueur. La décision renforce la portée pédagogique des règles de financement en rappelant que la négligence administrative emporte des conséquences politiques majeures et irréversibles.