Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6432 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 5 juin 2025, une décision relative au contrôle des opérations électorales pour la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Un candidat s’était présenté lors des élections législatives organisées les 30 juin et 7 juillet 2024 au sein d’une circonscription de la capitale. Bien que ce dernier ait recueilli moins de 1 % des suffrages exprimés, il détenait des carnets de reçus-dons délivrés par les services de la préfecture. Le compte de campagne n’a pas été déposé auprès de l’autorité de contrôle dans les délais légaux impartis par le code électoral. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel par une décision datée du 12 décembre 2024. L’autorité de contrôle constatait le manquement du candidat à son obligation comptable malgré la détention de documents destinés au recueil de dons. Le candidat n’a produit aucune observation ni justificatif devant la juridiction saisie pour contester les faits reprochés ou justifier sa situation. La question se posait de savoir si l’absence de restitution des carnets de reçus-dons justifie l’inéligibilité du candidat n’ayant pas déposé son compte. Le juge constitutionnel affirme que cette omission fait présumer la perception de dons et prononce une inéligibilité de trois ans pour ce manquement grave. L’étude de la présomption liée aux documents comptables précédera l’analyse de la sanction d’inéligibilité prononcée par le juge pour garantir la transparence électorale.

I. La présomption de perception de dons résultant de l’absence de restitution des documents comptables

A. L’obligation de dépôt du compte de campagne liée aux modalités de financement

    Le code électoral impose aux candidats législatifs d’établir un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour l’élection. Cette obligation s’applique systématiquement lorsque le candidat obtient au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il bénéficie de dons de personnes physiques. Le Conseil constitutionnel rappelle que le compte doit être déposé « au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour ». La transparence financière constitue un impératif majeur pour garantir l’équité de la compétition électorale et le respect des plafonds de dépenses autorisés. Le dépôt effectif permet à l’administration de vérifier l’origine des fonds et la régularité des financements privés obtenus par les différents compétiteurs. Le lien entre la détention de documents et l’obligation de dépôt établit ainsi une règle de preuve que le candidat peut toutefois contester.

B. Le caractère réfragable de la présomption de recours au financement privé

    Le juge précise que l’absence de restitution des carnets de reçus-dons « fait présumer de la perception de dons de personnes physiques » visées par la loi. Cette règle probatoire simplifie le contrôle administratif face au silence du candidat qui conserve par-devers lui des documents officiels de collecte de fonds. La décision souligne toutefois que « cette présomption peut être combattue par tous moyens » devant le juge constitutionnel par la production de preuves contraires. En l’espèce, le candidat n’a fourni aucun justificatif de nature à démontrer l’absence de perception effective de dons durant la période de campagne. Le Conseil rejette l’argumentation d’une absence d’activité financière en soulignant l’impossibilité de regarder l’intéressé comme n’ayant bénéficié d’aucun financement extérieur. Le constat de ce manquement non justifié conduit alors le juge à appliquer les dispositions répressives prévues par le législateur en matière électorale.

II. La sanction de l’inéligibilité face à un manquement caractérisé aux obligations de transparence

A. L’appréciation de la gravité du manquement par le juge constitutionnel

    La méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 du code électoral entraîne des conséquences juridiques sévères pour le candidat négligent ou fautif. Le Conseil constitutionnel vérifie si des circonstances particulières étaient de nature à justifier l’absence de dépôt du compte ou le retard constaté lors du contrôle. En l’occurrence, l’instruction n’a révélé aucun élément factuel permettant d’atténuer la responsabilité du candidat au regard de ses devoirs comptables et de transparence. La juridiction souveraine relève alors la « particulière gravité de ce manquement » pour justifier le prononcé d’une sanction privative du droit de se présenter. La rigueur du juge souligne l’importance accordée à la traçabilité des ressources financières utilisées lors des campagnes électorales nationales sur le territoire français. Cette sévérité dans l’appréciation des faits commande l’application d’une mesure d’inéligibilité dont l’efficacité repose sur sa durée et sa publicité officielle.

B. La portée de la déclaration d’inéligibilité sur l’exercice des mandats électifs

    Le dispositif de la décision déclare le candidat inéligible à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la date du délibéré. Cette mesure s’appuie sur l’article L.O. 136-1 qui permet d’écarter de la vie publique les citoyens ayant gravement méconnu les règles de financement. La sanction prononcée présente un caractère automatique quant à sa durée minimale mais reste proportionnée à l’absence totale de coopération du candidat avec l’institution. La publication de la décision au Journal officiel assure l’information des électeurs et l’exécution immédiate de l’interdiction de solliciter un nouveau mandat électoral. Le Conseil constitutionnel réaffirme sa fonction de garant de la moralité républicaine en sanctionnant fermement les comportements faisant obstacle au contrôle des comptes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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