Le Conseil constitutionnel a rendu, le 6 juin 2025, une décision relative au contrôle des comptes de campagne lors des élections législatives de juin et juillet 2024. Un candidat à ce scrutin n’a pas veillé à l’ouverture d’un compte bancaire unique par son mandataire financier désigné pour l’opération électorale.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté ce compte par une décision rendue le 13 janvier 2025. Le juge électoral a été saisi le 24 janvier suivant afin qu’il tire les conséquences juridiques de cette irrégularité financière manifeste.
Le candidat concerné n’a produit aucune observation devant la juridiction constitutionnelle malgré la communication de la saisine effectuée dans le cadre de la procédure. Le litige porte sur l’obligation de traçabilité financière imposée aux prétendants à un mandat parlementaire par les dispositions du code électoral.
La question posée était de savoir si l’absence de compte bancaire spécifique constitue un manquement justifiant le rejet du compte et l’inéligibilité. Le Conseil affirme que cette circonstance est établie et prononce une sanction d’un an en raison de la particulière gravité de l’omission.
L’étude de cette décision suppose d’analyser l’impérativité du compte de campagne avant d’examiner la sanction d’inéligibilité résultant de ce manquement financier constaté.
I. L’impérativité de l’ouverture d’un compte de campagne par le mandataire
Le juge rappelle que le mandataire financier doit ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour retracer la totalité des opérations financières du candidat. Cette obligation garantit la transparence du financement électoral et permet un contrôle efficace des recettes perçues ainsi que des dépenses engagées pour l’élection.
A. Le non-respect d’une règle fondamentale de traçabilité financière
L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette disposition législative vise à isoler les fonds de la campagne pour éviter toute confusion avec le patrimoine personnel du candidat ou d’autres entités.
En l’espèce, le mandataire financier n’avait pas ouvert ce compte bancaire, violant ainsi les prescriptions claires du deuxième alinéa de l’article susvisé. Cette omission prive le régulateur de la possibilité de vérifier l’origine exacte des fonds et la réalité des mouvements financiers effectués durant la période.
B. La confirmation du rejet du compte de campagne par le juge
Le Conseil constitutionnel juge que « c’est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte ». Cette solution s’aligne sur une jurisprudence constante qui refuse de valider des comptes dont la structure financière de base demeure inexistante ou viciée.
L’absence de compte bancaire constitue une irrégularité substantielle que le juge ne peut régulariser, compte tenu de l’importance attachée à l’unicité des flux. La décision souligne que le respect des formes prévues par le législateur est une condition sine qua non de la validité de la démarche.
L’irrégularité financière étant définitivement constatée, il convient d’étudier la sanction d’inéligibilité que le juge a choisi de prononcer dans cette espèce particulière.
II. La sanction de l’inéligibilité face à un manquement d’une particulière gravité
Le juge constitutionnel dispose de la faculté de déclarer inéligible un candidat dont le compte a été rejeté lorsque le manquement présente un caractère de gravité. Cette mesure vise à écarter de la vie publique les personnes qui méconnaissent sciemment ou par négligence excessive les règles de financement.
A. La qualification d’une méconnaissance inexcusable des règles électorales
L’inéligibilité est prononcée « eu égard à la particulière gravité du manquement à une règle dont le candidat ne pouvait ignorer la portée » selon les motifs. L’ouverture d’un compte par le mandataire est une démarche élémentaire que tout candidat doit accomplir dès le début de son engagement électoral.
Le Conseil considère que l’absence totale de compte bancaire ne peut être qualifiée de simple erreur matérielle sans conséquence réelle sur le contrôle. Cette sévérité s’explique par la nécessité de protéger la sincérité du scrutin et l’égalité entre les différents participants à l’élection nationale.
B. La portée temporelle et la proportionnalité de la mesure de déchéance
Le juge déclare le candidat « inéligible à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la présente décision » conformément au code électoral. Cette durée d’une année constitue une sanction intermédiaire qui permet de marquer la réprobation du juge tout en restant proportionnée à la faute.
La décision confirme que le juge électoral veille rigoureusement au respect des mécanismes de transparence financière sous peine de sanctions affectant les droits. Cette fermeté jurisprudentielle assure la crédibilité du système de contrôle des moyens financiers mis en œuvre lors des différentes campagnes législatives.