Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6455 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, saisi par l’autorité de régulation des financements électoraux, a rendu une décision le 5 juin 2025 concernant un compte de campagne rejeté. À la suite des élections législatives organisées en juin et juillet 2024, une candidate a déposé ses documents comptables auprès de l’autorité compétente. Le mandataire financier désigné n’a cependant jamais procédé à l’ouverture du compte bancaire unique requis pour centraliser l’ensemble des recettes et des dépenses. L’autorité administrative chargée du contrôle des comptes a toutefois écarté ce document par une décision rendue le 20 janvier 2025. Saisi le 27 janvier 2025, le Conseil constitutionnel doit statuer sur la régularité de ce rejet et sur les conséquences de cette omission matérielle. La requérante n’a produit aucune observation pour justifier le défaut d’ouverture du support bancaire obligatoire malgré la communication préalable de la saisine. Le litige porte sur l’interprétation des dispositions législatives relatives à la transparence financière des campagnes électorales pour la désignation des députés nationaux. Le juge électoral doit déterminer si l’absence de compte bancaire spécifique constitue un manquement d’une particulière gravité justifiant une mesure d’inéligibilité. Le Conseil constitutionnel confirme le rejet du compte et prononce une inéligibilité d’un an en raison de la particulière gravité de la méconnaissance constatée. L’analyse de cette décision permet d’étudier l’obligation d’ouvrir un compte bancaire spécifique avant d’apprécier la sévérité de la sanction prononcée par les juges.

I. La portée impérative de l’obligation d’ouvrir un compte bancaire de campagne

A. L’exigence de centralisation des flux financiers par le mandataire

L’article L. 52-6 du code électoral prévoit que le mandataire financier doit obligatoirement ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour les opérations financières. Ce compte bancaire permet d’assurer la traçabilité intégrale des recettes perçues et des dépenses engagées tout au long de la période électorale de référence. Le Conseil rappelle que cet instrument doit préciser la qualité du titulaire agissant pour le compte d’un candidat nommément désigné lors de l’ouverture. Cette formalité substantielle garantit la transparence du financement et facilite grandement le contrôle ultérieur exercé par la commission nationale spécialisée sur les comptes.

B. La confirmation jurisprudentielle du rejet automatique du compte de campagne

Dans l’espèce commentée, le juge constate que le mandataire financier n’a pas procédé à l’ouverture du compte bancaire requis par les textes législatifs. L’inexistence de ce support financier empêche tout contrôle effectif de la circulation des fonds et constitue une violation directe des prescriptions du code électoral. Le Conseil constitutionnel affirme alors que « c’est à bon droit que [l’autorité de contrôle] a rejeté son compte de campagne ». La décision souligne ainsi que l’absence totale de compte bancaire ne peut être régularisée a posteriori par la simple production de relevés personnels. L’irrégularité constatée entraîne mécaniquement l’invalidité de la comptabilité présentée par la candidate sans que le juge n’ait besoin de rechercher une intention frauduleuse.

II. La sanction disciplinaire d’une méconnaissance grave des règles de financement

A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 du code électoral autorise le juge à prononcer l’inéligibilité en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel retient ici la responsabilité de la candidate « eu égard à la particulière gravité du manquement à une règle dont elle ne pouvait ignorer la portée ». L’ouverture du compte bancaire constitue une règle fondamentale dont la méconnaissance prive l’administration de ses moyens d’investigation sur l’origine des fonds. La jurisprudence constitutionnelle considère traditionnellement que l’omission d’une telle formalité substantielle ne peut être regardée comme une simple erreur matérielle excusable.

B. L’application proportionnée d’une inéligibilité temporaire au candidat défaillant

Le juge électoral décide de déclarer la candidate inéligible à tout mandat pour une durée d’un an à compter de la date du délibéré. Cette durée de sanction apparaît mesurée au regard de la gravité du manquement tout en restant éloignée du maximum de trois ans prévu par la loi. La décision sera notifiée aux autorités compétentes et publiée au Journal officiel afin de garantir l’effectivité de l’interdiction de se présenter aux scrutins futurs. Le Conseil constitutionnel réaffirme ainsi sa volonté de sanctionner les négligences qui altèrent la sincérité du contrôle des financements au sein de la vie politique. Cette solution rigoureuse incite les futurs candidats à une vigilance extrême dans la gestion comptable de leurs moyens de propagande et de leurs ressources financières.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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