Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6456 AN du 6 juin 2025

Une candidate s’est présentée aux élections législatives organisées les 30 juin et 7 juillet 2024 au sein d’une circonscription nationale. Ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, l’intéressée n’a pas déposé son compte de campagne auprès de l’autorité de contrôle compétente. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a donc saisi le Conseil constitutionnel par une décision du 15 janvier 2025. Cette saisine repose sur le constat que la candidate n’avait pas restitué les carnets de reçus-dons délivrés à son mandataire en préfecture. La juridiction doit déterminer si la simple détention de ces carnets impose le dépôt d’un compte de campagne malgré un faible score électoral. Par sa décision n° 2025-6456 AN du 5 juin 2025, le Conseil constitutionnel retient l’existence d’un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Il prononce en conséquence l’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour une durée de trois années à compter de sa décision.

I. La présomption de perception de ressources conditionnant l’obligation de dépôt du compte

A. Le champ d’application de l’obligation comptable électorale

Le Conseil constitutionnel rappelle que tout candidat est « tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ». Cette obligation s’applique également s’il a « bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8 » du code électoral. Le compte doit retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées en vue de l’élection pour la période légale déterminée. Il doit impérativement être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne avant le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Cette règle garantit la transparence financière du processus démocratique en permettant un contrôle rigoureux des fonds mobilisés par les différents candidats.

B. La force probante de la détention des carnets de reçus-dons

La juridiction précise que « l’absence de restitution par le candidat des carnets de reçus-dons fait présumer de la perception de dons de personnes physiques ». Cette présomption juridique entraîne automatiquement l’obligation de déposer un compte, même si le seuil de 1 % des voix n’est pas atteint. En l’espèce, la candidate n’a produit aucun justificatif de nature à renverser cette présomption de perception de fonds privés durant sa campagne. La preuve contraire peut être apportée par tous moyens mais nécessite des éléments matériels précis que l’intéressée n’a manifestement pas fournis. La méconnaissance de cette règle formelle place le candidat sous le coup des sanctions prévues pour le défaut de dépôt du compte.

II. La sanction de l’inéligibilité fondée sur la gravité du manquement aux règles de financement

A. L’appréciation souveraine du manquement d’une particulière gravité

Le juge constitutionnel dispose du pouvoir de déclarer inéligible le candidat qui n’a pas respecté les conditions de dépôt de son compte de campagne. Cette sanction s’applique en cas de « volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Dans cette affaire, le Conseil souligne qu’aucune circonstance particulière ne justifie l’omission des obligations résultant des dispositions de l’article L. 52-12. Le caractère impératif des délais et des formes de dépôt confère à l’abstention du candidat une gravité que les juges sanctionnent systématiquement. L’absence de transparence sur l’origine des fonds utilisés durant la période électorale constitue une atteinte sérieuse à l’équilibre du scrutin législatif.

B. L’effectivité de la sanction temporelle d’inéligibilité

Le Conseil constitutionnel décide de prononcer l’inéligibilité de la candidate à tout mandat pour une durée de trois ans à compter du délibéré. Cette mesure prive l’intéressée de son droit de se présenter à toute élection durant cette période, conformément à l’article L.O. 136-1. La sévérité de la peine illustre la volonté du juge d’assurer le respect effectif des prescriptions légales par l’ensemble des acteurs politiques. Cette décision est immédiatement notifiée et publiée au Journal officiel de la République française pour assurer son opposabilité et sa parfaite information. La rigueur de cette jurisprudence protège l’intégrité du financement de la vie politique contre toute forme de négligence ou d’opacité financière.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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