Le Conseil constitutionnel, par une décision du 19 juin 2025, a tranché un litige relatif au contrôle des comptes de campagne lors des élections législatives. Un candidat ayant concouru dans une circonscription départementale en juin 2024 a omis de soumettre ses documents comptables à la commission nationale compétente. L’intéressé avait pourtant franchi le seuil des suffrages exprimés imposant légalement l’établissement et le dépôt d’un compte de campagne en équilibre ou excédentaire.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le juge constitutionnel le 27 janvier 2025 suite à ce défaut de dépôt. Bien que la saisine lui ait été régulièrement communiquée, le candidat concerné n’a produit aucune observation pour justifier le non-respect du délai légal imparti. Le problème de droit posé consiste à déterminer si l’absence de dépôt d’un compte de campagne justifie le prononcé d’une inéligibilité sur le fondement du code électoral.
Le Conseil constitutionnel juge que le défaut de dépôt, sans circonstances justificatives, caractérise un manquement d’une particulière gravité justifiant une inéligibilité de trois ans. L’étude de cette solution nécessite d’analyser l’exigence de transparence du financement électoral avant d’examiner la fermeté de la sanction retenue par le juge du contentieux.
# I. L’impératif de transparence dans le financement des campagnes législatives
A. Le caractère obligatoire du dépôt des comptes de campagne
Le juge constitutionnel rappelle que « chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement » est tenu d’établir et de déposer un compte de campagne rigoureusement équilibré. Cette obligation s’impose dès que le candidat obtient au moins 1 % des suffrages exprimés ou bénéficie de dons de personnes physiques conformément aux dispositions législatives. Le délai de dépôt est strictement fixé au « dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin » avant dix-huit heures auprès de la commission nationale de contrôle. Cette règle garantit que l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour l’élection soit retracé selon une origine et une nature clairement identifiées. La transparence financière constitue ainsi le socle de la sincérité du scrutin et assure l’égalité entre les différents candidats engagés dans la compétition électorale.
B. Le constat objectif d’une méconnaissance des obligations comptables
Dans l’espèce commentée, le candidat a obtenu un score supérieur au seuil légal mais n’a déposé aucun compte de campagne à l’expiration du délai imparti. Le Conseil constitutionnel relève souverainement qu’à « l’expiration du délai prévu à l’article L. 52-12 du code électoral, il n’a pas déposé de compte de campagne ». Cette omission constitue une violation directe des prescriptions législatives destinées à encadrer les financements politiques et à prévenir toute forme de fraude ou d’opacité. L’absence de réaction du candidat durant l’instruction confirme le caractère manifeste du manquement sans que des éléments extérieurs ne viennent expliquer ou atténuer cette carence. Cette méconnaissance objective des règles de transparence entraîne nécessairement une réponse juridictionnelle dont il convient d’apprécier la rigueur et la portée concrète.
# II. La sévérité du juge constitutionnel face aux manquements financiers
A. La qualification d’un manquement d’une particulière gravité
Pour prononcer l’inéligibilité, le juge doit constater une volonté de fraude ou un « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». L’absence totale de dépôt de compte est traditionnellement perçue comme une faute majeure car elle soustrait l’intégralité des dépenses électorales au contrôle de l’autorité. Le Conseil constitutionnel souligne qu’il « ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations » résultant du code. En l’absence de force majeure ou d’erreur purement matérielle, le défaut volontaire de reddition des comptes porte atteinte à l’ordre public électoral de manière irrémédiable. La gravité du manquement est ainsi déduite de la nature même de l’omission qui empêche toute vérification de la légalité des fonds utilisés durant la campagne.
B. Le prononcé d’une inéligibilité proportionnée aux objectifs de probité
Tirant les conséquences de cette gravité particulière, le Conseil déclare le candidat inéligible à tout mandat pour une durée déterminée de trois ans à compter de sa décision. Cette sanction, prévue par l’article L.O. 136-1 du code électoral, vise à écarter de la vie publique les citoyens qui méconnaissent les règles de la transparence. La durée de trois ans témoigne de la volonté du juge de sanctionner fermement un comportement qui compromet la confiance des électeurs dans le processus de désignation. En publiant cette décision au Journal officiel, l’institution assure la pleine effectivité de la sanction tout en rappelant aux futurs candidats l’importance du respect des délais. L’équilibre entre la protection de la liberté de candidature et l’exigence de probité financière est ainsi maintenu par une application stricte de la loi organique.