Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6473 AN du 6 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 5 juin 2025, s’est prononcé sur la régularité du financement de la campagne électorale d’une candidate aux législatives. Cette espèce interroge la portée de l’obligation d’ouverture d’un compte bancaire dédié et les conséquences de la négligence du candidat dans ses démarches. Lors des élections législatives de l’été 2024, une candidate a concouru sans que son mandataire financier n’ouvre de compte bancaire spécifique pour ses opérations. L’autorité de régulation des comptes de campagne a rejeté sa comptabilité électorale par une décision administrative rendue le 27 janvier 2025. Saisi le 5 février suivant, le juge électoral doit déterminer si l’absence de compte bancaire justifie le rejet du compte et une déclaration d’inéligibilité. La candidate excipe des refus opposés par plusieurs établissements financiers et soutient avoir sollicité sans succès l’intervention de l’institution monétaire centrale nationale. Le juge constitutionnel confirme le rejet au motif que le défaut d’ouverture du compte résulte d’une imprudence manifeste de la candidate devant les autorités. L’analyse de cette décision suppose d’étudier le caractère impératif de l’ouverture d’un compte financier avant d’apprécier la sévérité de la sanction d’inéligibilité prononcée.

**I. L’affirmation du caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire de campagne**

**A. La rigueur procédurale du mandataire financier dans la gestion des fonds**

L’article L. 52-6 du code électoral impose au mandataire financier « d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette formalité constitue une garantie essentielle permettant à l’autorité de régulation d’assurer le contrôle efficace et transparent des recettes comme des dépenses électorales. L’absence d’un tel compte bancaire prive ainsi l’organe de contrôle de tout moyen de vérification fiable sur l’origine et la destination des fonds collectés. Le juge rappelle que cette méconnaissance des dispositions électorales entraîne mécaniquement le rejet du compte de campagne sans que d’autres considérations techniques n’entrent en compte.

**B. L’imputabilité de l’absence de compte bancaire à la négligence de la candidate**

La candidate invoquait l’impossibilité d’ouvrir un compte malgré ses demandes répétées auprès de divers établissements financiers et de l’institution monétaire nationale pour ses démarches. Les magistrats relèvent toutefois que le refus d’exercice du droit au compte est directement « imputable à un manque de diligence à fournir les documents exigés ». Le bénéfice des dispositions protectrices sur le droit au compte suppose une coopération active et loyale du demandeur envers les institutions bancaires et régulatrices. Cette carence fautive empêche la candidate de se prévaloir d’une force majeure ou d’un obstacle extérieur irrésistible pour justifier l’omission de cette formalité légale.

**II. La sanction d’une méconnaissance grave des règles de financement électoral**

**A. La qualification juridique du manquement d’une particulière gravité**

Aux termes de l’article L.O. 136-1, le juge peut déclarer inéligible un candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement ». Le Conseil constitutionnel considère que l’absence de compte bancaire, lorsqu’elle résulte d’une négligence caractérisée, constitue une violation majeure des principes fondamentaux de la transparence. Cette qualification souveraine permet au juge d’écarter la simple erreur matérielle pour sanctionner un comportement attentatoire à la sincérité du scrutin et des comptes. Le manquement est ici établi par l’obstruction indirecte aux mécanismes de contrôle que la loi organique a entendu rendre obligatoires pour tout candidat.

**B. La proportionnalité de la mesure d’inéligibilité pour une durée d’un an**

Le juge constitutionnel dispose d’un pouvoir d’appréciation pour fixer la durée de l’inéligibilité, laquelle ne peut excéder trois ans selon les textes en vigueur. En l’espèce, il prononce une inéligibilité d’un an « à compter de la présente décision », sanctionnant ainsi fermement l’imprudence de la candidate dans la gestion. Cette mesure vise à protéger l’intégrité de la vie démocratique en écartant temporairement les compétiteurs ne respectant pas les règles élémentaires de probité. La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante privilégiant la rigueur comptable afin de garantir une égalité stricte entre les différents candidats devant le suffrage.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture