Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6476 AN du 20 juin 2025

Le Conseil constitutionnel, par une décision du 20 juin 2025, a statué sur la situation d’un candidat aux élections législatives de juin et juillet 2024. Celui-ci, ayant obtenu au moins un pour cent des suffrages exprimés, était tenu de déposer un compte de campagne selon les prescriptions légales en vigueur. Saisie par la Commission nationale des comptes de campagne le 6 février 2025, la juridiction a relevé l’absence de dépôt du document obligatoire dans les délais. La question juridique portait sur la qualification d’un tel manquement au regard des critères de gravité justifiant une éventuelle mesure d’inéligibilité du candidat. Le juge a considéré que ce défaut constituait une faute d’une particulière gravité, entraînant ainsi une inéligibilité pour une durée de trois ans fermes. L’analyse se concentrera sur la caractérisation du manquement aux obligations de transparence avant d’envisager les conséquences de la sanction prononcée contre l’intéressé.

I. La constatation d’un manquement grave aux obligations comptables électorales

A. L’omission absolue du dépôt du compte de campagne

L’article L. 52-12 du code électoral impose à chaque candidat d’établir un compte retraçant l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées pour l’élection. Cette obligation comptable s’applique dès lors que le candidat obtient au moins un pour cent des suffrages exprimés lors du premier tour de scrutin. Le juge relève ici qu’ « à l’expiration du délai prévu à l’article L. 330-9-1 du code électoral, il n’a pas déposé de compte de campagne ». Cette absence totale de document comptable empêche tout contrôle effectif sur la licéité des fonds utilisés pendant la période électorale de référence. Le respect des délais de dépôt constitue une règle de fond dont la méconnaissance porte atteinte à l’égalité nécessaire entre les différents candidats.

B. L’absence de circonstances justificatives exonératoires

La jurisprudence électorale admet parfois des tempéraments lorsque des obstacles imprévisibles ou insurmontables ont empêché le dépôt régulier du compte de campagne dans les délais. Le Conseil constitutionnel souligne néanmoins qu’ « il ne résulte pas de l’instruction que des circonstances particulières étaient de nature à justifier la méconnaissance » des obligations. Le candidat n’a produit aucune observation ni aucun élément factuel permettant d’expliquer son inertie prolongée face aux exigences de la Commission nationale compétente. Ce mutisme procédural renforce la conviction du juge quant au caractère délibéré ou à la négligence fautive de l’intéressé dans la gestion financière. Le manquement se trouve ainsi définitivement constitué sans qu’aucune cause de force majeure ne vienne atténuer la responsabilité juridique du candidat défaillant.

II. La rigueur de la sanction de l’inéligibilité triennale

A. La caractérisation d’une faute d’une particulière gravité

En vertu de l’article L.O. 136-1 du code électoral, l’inéligibilité peut être prononcée en cas de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement. Le Conseil constitutionnel décide que « compte tenu de la particulière gravité de ce manquement », il convient d’écarter le candidat de la vie politique. L’omission totale de dépôt est traditionnellement perçue comme l’une des atteintes les plus sérieuses à la transparence et à l’ordre public électoral. Cette qualification juridique permet de proportionner la réponse du juge à l’importance de la règle méconnue par le candidat négligent ou sciemment réfractaire. La décision s’inscrit dans une politique jurisprudentielle constante visant à sanctionner sévèrement les comportements faisant obstacle au contrôle du financement démocratique.

B. La portée préventive de la décision sur le financement politique

La sanction d’inéligibilité est prononcée pour une durée de trois ans à compter de la notification de la décision rendue par les sages. Cette durée significative témoigne de la volonté du juge d’assurer un effet dissuasif puissant envers l’ensemble des acteurs de la compétition politique. En publiant cette décision au Journal officiel, la juridiction rappelle que le financement des campagnes ne saurait s’extraire d’un cadre légal strict. Cette fermeté garantit que seuls les candidats respectueux des règles de transparence comptable peuvent prétendre exercer une fonction représentative au sein de l’Assemblée nationale. La portée de cet arrêt réside ainsi dans la réaffirmation d’un standard élevé d’exigence éthique pour tous les citoyens souhaitant solliciter les suffrages.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture