Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-6492 AN du 6 juin 2025

Par une décision du 5 juin 2025, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la régularité du financement de la campagne d’un candidat aux élections législatives. Les faits concernent un candidat ayant participé au scrutin des 30 juin et 7 juillet 2024 dans la vingt-et-unième circonscription du département du Nord. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté son compte le 3 février 2025 au motif de l’absence de compte bancaire.

Saisi le 12 février 2025, le juge électoral devait déterminer si l’absence d’ouverture d’un compte par le mandataire financier justifiait l’inéligibilité de l’intéressé. Le Conseil confirme le rejet du compte et prononce une inéligibilité d’un an en raison de la particulière gravité du manquement constaté. L’étude de cette décision permet d’aborder la confirmation de l’irrégularité formelle du compte avant d’analyser la mise en œuvre d’une inéligibilité proportionnée.

I. La confirmation de l’irrégularité formelle du compte de campagne

A. Le caractère impératif de l’ouverture d’un compte bancaire unique

L’article L. 52-6 du code électoral prévoit que le mandataire financier doit « ouvrir un compte bancaire ou postal unique retraçant la totalité de ses opérations financières ». Cette obligation permet une traçabilité rigoureuse des fonds collectés et des dépenses engagées pour assurer la transparence du financement de la vie politique. Le respect de cette formalité substantielle garantit l’équilibre financier et l’absence de ressources occultes lors des opérations électorales nationales.

Le juge rappelle que le compte doit retracer l’ensemble des recettes perçues et des dépenses engagées en vue de l’élection selon leur origine et nature. L’existence d’un compte unique facilite le contrôle de la Commission nationale qui s’assure ainsi que le plafond des dépenses autorisées n’a pas été dépassé. Cette règle constitue un pilier de la législation électorale française destinée à prévenir toute influence indue de l’argent sur le résultat du scrutin.

B. La sanction justifiée du rejet pour méconnaissance des règles financières

Le Conseil constitutionnel souligne que l’absence d’un tel compte bancaire constitue une violation directe des dispositions législatives impératives régissant les comptes de campagne. « Cette circonstance est établie » et suffit à fonder le rejet du compte par la Commission nationale sans que d’autres motifs techniques soient nécessaires. Le juge électoral rappelle ainsi que le candidat demeure personnellement responsable de la gestion financière de sa campagne devant les autorités de contrôle administratif.

L’absence de compte bancaire rend impossible la vérification de la totalité des opérations financières par le membre de l’ordre des experts-comptables chargé de l’examen. La décision précise que le rejet est prononcé « à bon droit » car la méconnaissance de l’article L. 52-6 du code électoral vicie l’ensemble de la procédure comptable. Cette fermeté jurisprudentielle assure l’effectivité des contrôles menés par la Commission nationale pour garantir l’égalité entre tous les prétendants au mandat parlementaire.

II. La mise en œuvre d’une inéligibilité proportionnée au manquement

A. La qualification juridique d’un manquement d’une particulière gravité

L’article L.O. 136-1 permet au juge de déclarer inéligible le candidat en cas de « manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales ». Le juge considère que l’omission d’ouverture d’un compte bancaire présente ce degré de gravité car elle fait obstacle à la mission de contrôle public. La volonté de fraude n’est pas une condition nécessaire dès lors que l’irrégularité constatée empêche la vérification de la sincérité des dépenses électorales.

La décision insiste sur le fait que le candidat ne pouvait ignorer les obligations liées au mandataire financier lors de la préparation de son dossier. Le Conseil constitutionnel utilise son pouvoir d’appréciation pour sanctionner une négligence qui porte atteinte aux principes fondamentaux de la transparence financière de la vie publique. La particulière gravité est donc ici déduite de la nature même de la règle transgressée qui touche à la structure du financement électoral.

B. La détermination d’une période d’inéligibilité fixée à une année

Le Conseil fixe l’inéligibilité à un an car le candidat « ne pouvait ignorer la portée » d’une règle aussi fondamentale pour la validité de sa candidature. Cette solution assure le respect de l’égalité entre les candidats tout en sanctionnant une négligence jugée incompatible avec l’exercice futur d’un mandat législatif. La sévérité du juge constitutionnel participe à la moralisation de la vie politique et au renforcement de la confiance des citoyens dans les institutions républicaines.

Le prononcé de cette sanction administrative écarte l’intéressé de toute compétition électorale pour une durée déterminée à compter de la notification de la présente décision. Le juge électoral module la durée de l’inéligibilité en fonction de la nature des manquements relevés lors de l’examen du dossier de saisine. Cette approche équilibrée permet de maintenir l’autorité de la règle de droit sans pour autant prononcer une sanction définitivement disproportionnée par rapport aux faits.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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