Le Conseil constitutionnel a rendu, le 19 juin 2025, la décision numéro 2025-6560 AN relative au contrôle des comptes de campagne lors des dernières élections législatives nationales. Ce contentieux concerne un candidat ayant sollicité les suffrages dans la troisième circonscription de l’Ain lors du scrutin organisé les 30 juin et 7 juillet 2024.
La Commission nationale des comptes de campagne a rejeté le compte du candidat le 20 février 2025 avant de saisir le juge de l’élection en mars. Trois griefs majeurs étaient soulevés, notamment l’absence de compte bancaire dédié et le règlement direct de la quasi-totalité des dépenses par l’intéressé lui-même. Le candidat a présidé sa propre association de financement, violant ainsi l’interdiction stricte de confusion entre la personne du candidat et son organe financier.
Le juge devait déterminer si le cumul de manquements substantiels aux règles de financement justifiait le rejet définitif du compte et une déclaration d’inéligibilité subséquente. L’examen de la décision permet d’analyser la sanction des irrégularités financières avant d’étudier l’appréciation de la gravité des manquements par le Conseil constitutionnel.
I. La sanction de manquements cumulatifs aux obligations financières électorales
A. Le non-respect des règles organiques de structuration du financement
Le code électoral impose une séparation rigide entre le candidat et son mandataire afin de prévenir toute confusion des rôles durant la période électorale. L’article L. 52-5 prévoit ainsi que le candidat ne peut pas être membre de l’association de financement chargée de collecter ses fonds de campagne. Dans cette espèce, le candidat occupait pourtant la présidence de cette structure, ce qui constituait une irrégularité manifeste aux yeux du Conseil constitutionnel souverain.
De plus, cette méconnaissance des formes légales se doublait de l’absence de compte bancaire unique ouvert par le mandataire pour retracer la totalité des opérations financières. Cette obligation, prévue à l’article L. 52-6, est fondamentale pour assurer la transparence et le contrôle efficace des recettes perçues ainsi que des dépenses engagées. La décision confirme que le défaut d’ouverture d’un tel compte prive l’administration de tout moyen de vérification sur l’origine et la destination des fonds.
B. L’interdiction du règlement direct des dépenses par le candidat
Le candidat a réglé personnellement l’intégralité des sept cent soixante-treize euros de frais engagés, sans passer par l’intermédiaire obligatoire de son mandataire financier dûment désigné. Cette pratique contrevient directement aux dispositions de l’article L. 52-4 du code électoral qui réserve le paiement des dépenses au seul mandataire financier officiel. En outre, le juge rappelle que le mandataire doit régler les dépenses antérieures au scrutin, à l’exception des frais pris en charge par un groupement politique.
Si le règlement direct de menues dépenses est parfois toléré, il demeure soumis à une « double condition » de montant faible et surtout négligeable. En l’occurrence, le paiement par le candidat de la totalité des frais rendait impossible toute application de cette dérogation limitée prévue par la jurisprudence classique. L’irrégularité est donc totale puisque le compte ne présentait aucune dépense ayant transité par le circuit bancaire normalement exigé pour ce type de scrutin.
II. L’appréciation de la gravité des fautes et la rigueur de la sanction
A. La caractérisation d’un manquement d’une particulière gravité
Le rejet du compte de campagne n’entraîne pas automatiquement l’inéligibilité, laquelle reste subordonnée à l’existence d’une volonté de fraude ou d’un manquement grave. Le Conseil constitutionnel souligne ici le « cumul et le caractère substantiel des obligations méconnues » pour justifier l’application des dispositions de l’article L.O. 136-1. Ainsi, les juges considèrent que le candidat ne pouvait raisonnablement ignorer la portée de règles aussi fondamentales que l’usage d’un compte bancaire de campagne.
L’absence d’observations produites par le candidat durant la procédure n’a pas permis de justifier ces entorses répétées aux principes du droit électoral français. Cette passivité renforce l’idée d’une négligence fautive dont la gravité est accentuée par la répétition d’erreurs affectant tous les piliers du financement de campagne. La décision s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle ferme visant à écarter les compétiteurs ne respectant pas les règles élémentaires de la transparence financière.
B. La portée de la déclaration d’inéligibilité pour une durée triennale
En déclarant le candidat inéligible pour trois ans, le Conseil constitutionnel prononce une sanction dont la durée témoigne de la sévérité du contrôle juridictionnel exercé. Cette période d’inéligibilité s’applique à tout mandat électoral, interdisant ainsi toute nouvelle candidature durant le délai fixé à compter de la notification de la décision. Une telle mesure vise à protéger la sincérité du scrutin futur en sanctionnant un comportement jugé incompatible avec les exigences de probité des élus.
La publication de cette décision au Journal officiel assure une information complète des citoyens sur les manquements constatés lors des opérations électorales dans leur circonscription. Ce commentaire met en lumière la vigilance constante du juge constitutionnel pour préserver l’équité financière entre les candidats lors des consultations électorales au suffrage universel.