Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-880 DC du 7 mai 2025

Le Conseil constitutionnel a été saisi le dix avril deux mille vingt-cinq par le président du Sénat d’une résolution modifiant le règlement intérieur de cette assemblée. Cette réforme textuelle adoptée le huit avril deux mille vingt-cinq entend renforcer les moyens de contrôle des sénateurs tout en clarifiant diverses procédures parlementaires. La juridiction constitutionnelle exerce ici son contrôle obligatoire prévu par le premier alinéa de l’article soixante-et-un de la Constitution relatif aux règlements des assemblées législatives. Des observations ont été produites par une sénatrice le vingt-deux avril puis par le président de la haute assemblée le deux mai deux mille vingt-cinq. Le litige porte sur la conciliation entre l’autonomie organisationnelle des assemblées parlementaires et le respect de la liberté d’exercice du mandat de chaque élu. La question posée au juge constitutionnel est de savoir si ces nouvelles contraintes procédurales et déontologiques respectent les prérogatives du Gouvernement et le statut des parlementaires. Le Conseil constitutionnel déclare la résolution conforme à la Constitution sous une réserve d’interprétation spécifique concernant le régime des commissions spécialement désignées pour l’examen d’un texte.

I. L’affermissement de la cohérence politique et des procédures de contrôle

Le Conseil constitutionnel valide les mesures visant à renforcer la structure des groupes politiques et à rationaliser l’examen de la recevabilité des commissions d’enquête.

A. La corrélation entre l’appartenance politique et l’exercice des fonctions institutionnelles

L’article deux de la résolution prévoit qu’un sénateur quittant son groupe politique cesse de plein droit d’appartenir au Bureau ou aux commissions permanentes. Les sages considèrent que « la Constitution laisse aux assemblées parlementaires le soin de fixer les conditions de désignation des membres de leur Bureau ». Cette règle nouvelle permet d’assurer une correspondance permanente entre la composition des instances dirigeantes et la réalité numérique des forces politiques représentées au Sénat. Le juge précise que ces dispositions « visent à préserver l’équilibre entre les groupes politiques dans la répartition des postes » sans porter une atteinte excessive au mandat. La mesure garantit ainsi une stabilité institutionnelle indispensable au bon fonctionnement du travail législatif et au respect de la représentation proportionnelle des groupes.

B. La centralisation de l’examen de recevabilité des instruments de contrôle

La réforme attribue à la seule commission des lois la compétence pour se prononcer sur la création des commissions d’enquête ou l’attribution de leurs prérogatives. Cette modification de l’article huit ter du règlement garantit le respect scrupuleux de la séparation des pouvoirs judiciaire et législatif lors des investigations sénatoriales. Le Conseil rappelle que l’ordonnance du dix-sept novembre mille neuf cent cinquante-huit interdit les enquêtes parlementaires sur des faits faisant l’objet de poursuites judiciaires en cours. En unifiant cette vérification, le Sénat sécurise juridiquement ses procédures de contrôle tout en évitant toute immixtion inconstitutionnelle dans le domaine de l’autorité judiciaire. Ces dispositions « qui mettent en œuvre ces exigences » législatives et organiques ne sont donc pas contraires aux principes fondamentaux de la République.

La rationalisation des structures internes s’accompagne d’une vigilance accrue du juge constitutionnel quant à la protection effective des prérogatives individuelles et collectives.

II. La sauvegarde du mandat parlementaire et des équilibres constitutionnels

Le Conseil constitutionnel encadre l’autonomie du Sénat en protégeant le droit de vote des élus et en préservant les droits prioritaires du Gouvernement.

A. La protection de la liberté d’exercice du mandat individuel

L’article dix-sept de la résolution autorise les sénateurs en situation d’incapacité physique à manifester leur vote par tout moyen compatible avec leur état de santé. Cette disposition respecte l’article vingt-sept de la Constitution selon lequel « le droit de vote des membres du Parlement est personnel » tout en facilitant son exercice. Par ailleurs, le juge valide le renforcement des obligations déontologiques relatives aux cadeaux et avantages proposés par des représentants d’intérêts ou des puissances étrangères. Ces règles « ne méconnaissent pas la liberté des membres du Parlement dans l’exercice de leur mandat » et participent à la probité de la vie publique. La liberté du parlementaire est ainsi conciliée avec les impératifs de transparence et d’accessibilité du vote indispensables au fonctionnement démocratique de la haute assemblée.

B. La préservation des prérogatives gouvernementales par la réserve d’interprétation

L’article quatre permet à la Conférence des présidents de s’opposer à la reconstitution d’une commission spéciale après un renouvellement partiel du Sénat pour éviter des doublons. Le Conseil émet une réserve car cette faculté « est sans effet sur la prérogative qui appartient au Gouvernement de demander le renvoi » d’un texte. Le juge constitutionnel protège ainsi l’article quarante-trois de la Constitution qui dispose que la création d’une commission spéciale est de droit sur demande ministérielle. Cette opposition sénatoriale ne saurait faire obstacle à la volonté gouvernementale lorsque le texte concerné est effectivement inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée. La décision maintient ainsi l’équilibre des pouvoirs en empêchant que l’autonomie réglementaire d’une assemblée ne vienne paralyser les droits constitutionnels de l’exécutif.

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Hassan KOHEN
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