Le Conseil constitutionnel a rendu, le 30 décembre 1981, une décision relative à la conformité de la troisième loi de finances rectificative pour cette même année. Plusieurs députés ont saisi la juridiction afin de contester la validité de diverses dispositions portant sur le recouvrement fiscal ou l’organisation administrative. La procédure législative fut marquée par l’échec d’une commission mixte paritaire, conduisant l’Assemblée nationale à statuer définitivement sur le texte litigieux. Le litige porte sur le respect du domaine réservé aux lois de finances et sur la régularité du droit d’amendement parlementaire. Les juges déclarent deux articles contraires à la Constitution tout en validant les autres mesures critiquées par les requérants. La question centrale réside dans la détermination des limites matérielles du vecteur budgétaire ainsi que dans l’encadrement des procédures d’adoption accélérées.
**I. La sanction de l’incompétence matérielle par la théorie des cavaliers budgétaires**
A. L’éviction des dispositions dépourvues de caractère financier
Le Conseil censure les articles relatifs à la commission de la concurrence et à la rémunération des parts de certaines sociétés coopératives. Ces mesures « n’ont pas de caractère financier, au sens de l’article 1er de l’ordonnance du 2 janvier 1959 », selon les juges. Elles constituent des cavaliers budgétaires car elles n’affectent pas directement les ressources ou les charges de l’État durant l’exercice considéré. Leur insertion dans une loi de finances est jugée irrégulière car elle méconnaît la spécificité organique du domaine strictement budgétaire. La juridiction protège ainsi la clarté des débats parlementaires en empêchant l’ajout de réformes structurelles étrangères à l’équilibre financier public.
B. La reconnaissance de la nature fiscale des outils de recouvrement
À l’inverse, les mesures facilitant la communication de renseignements ou le recouvrement de frais de justice sont déclarées parfaitement constitutionnelles. Le Conseil précise que de telles dispositions « ont une portée fiscale et, comme telles, entrent dans le champ d’application » de l’ordonnance organique. L’extension des droits de communication aux comptables publics participe directement à l’efficacité du système de prélèvement des diverses recettes budgétaires. La solution confirme que le domaine des lois de finances englobe nécessairement les modalités pratiques d’établissement et de perception effective de l’impôt.
**II. La validation de la procédure législative et du principe d’égalité devant l’impôt**
A. Le libre exercice du droit d’amendement après l’échec de la commission mixte
Le grief relatif à l’adoption tardive de l’article 14 est écarté par une lecture rigoureuse des dispositions de l’article 45 de la Constitution. La décision souligne qu’en l’absence de texte commun, l’Assemblée nationale ne subit aucune « limitation à l’exercice du droit d’amendement » lors de l’examen. Le juge constitutionnel refuse de donner une valeur supérieure aux règlements des assemblées pour invalider une procédure parfaitement conforme à la norme suprême. Cette position renforce la souveraineté du législateur en fin de parcours parlementaire lorsque le gouvernement décide de solliciter un ultime vote.
B. La modulation du traitement des contribuables fondée sur la bonne foi
Concernant le sursis à paiement, le Conseil estime que l’administration peut légitimement distinguer les citoyens selon leur comportement subjectif initial. Le législateur ne porte pas atteinte à l’égalité devant la loi « en traitant différemment des contribuables placés dans une situation différente » juridiquement. La bonne foi devient ainsi un critère objectif permettant de moduler l’automaticité de certains avantages procéduraux dans le cadre du contentieux fiscal. Cette interprétation souple de l’égalité permet de concilier la protection des droits individuels avec les nécessités impérieuses de la lutte contre la fraude.