Le Conseil constitutionnel a rendu, le 10 juillet 1985, une décision essentielle relative aux conditions d’adoption des lois organiques modifiant le régime électoral parlementaire. Le législateur souhaitait alors augmenter le nombre de députés et réformer les règles de remplacement pour assurer une meilleure continuité de la représentation nationale. Le Sénat s’étant opposé au texte, l’Assemblée nationale l’a adopté en dernière lecture à la majorité absolue de ses membres, conformément à l’article 45. Cependant, l’article 46 de la Constitution impose un accord des deux assemblées lorsque la loi organique est spécifiquement relative à l’institution du Sénat. La question posée est donc de savoir si l’évolution de la composition de l’Assemblée nationale touche substantiellement aux prérogatives ou à l’organisation de la chambre haute. La juridiction valide la procédure législative en considérant qu’une incidence indirecte ne suffit pas à exiger un vote en termes identiques entre les deux chambres.
I. Une définition restrictive des lois organiques relatives au Sénat
A. L’exigence d’un lien organique direct avec l’institution
Le juge constitutionnel précise d’abord la notion de loi relative au Sénat en exigeant que les dispositions visent directement les règles propres à cette assemblée. Il considère qu’ « il faut entendre les dispositions législatives qui ont pour objet (…) de poser, de modifier ou d’abroger des règles concernant le Sénat ». Cette interprétation limite strictement l’obligation d’un vote en termes identiques aux seuls textes touchant aux domaines réservés par la Constitution pour cette institution. Une telle approche garantit que la protection procédurale du quatrième alinéa de l’article 46 ne soit pas utilisée pour bloquer systématiquement toute réforme électorale.
B. L’exclusion des incidences indirectes sur l’équilibre parlementaire
La décision écarte fermement l’idée que des répercussions lointaines ou secondaires puissent modifier la nature d’une loi organique consacrée initialement à l’Assemblée nationale. Le Conseil affirme ainsi que la « seule circonstance que son application affecterait indirectement la situation du Sénat ou de ses membres ne saurait la faire regarder comme relative au Sénat ». Cette distinction permet de préserver la fluidité de la procédure législative ordinaire en évitant une extension excessive des pouvoirs de blocage de la chambre haute. L’argumentation repose sur une lecture littérale et rigoureuse des compétences attribuées par les constituants aux différentes composantes du Parlement lors du processus normatif.
II. La validation de la procédure législative et de la réforme matérielle
A. La confirmation du dernier mot de l’Assemblée nationale
La juridiction applique ensuite son raisonnement aux articles contestés, notamment celui portant le nombre de députés de quatre cent quatre-vingt-cinq à cinq cent soixante-dix membres. Le juge relève que cette augmentation n’affecte pas « les règles selon lesquelles sont composés les collèges élisant les sénateurs », excluant ainsi tout grief de procédure. De même, l’évolution des proportions au sein du Congrès ne prive les sénateurs « d’aucun droit ou prérogative », ce qui justifie le recours au dernier mot législatif. L’Assemblée nationale a donc régulièrement exercé sa primauté, le texte n’entrant pas dans le champ restreint des lois organiques exigeant impérativement un accord bicaméral.
B. Une conformité matérielle aux exigences constitutionnelles
Le Conseil constitutionnel examine enfin le fond de la loi organique pour s’assurer qu’aucune disposition ne heurte les principes fondamentaux régissant le droit électoral français. Il valide les nouvelles modalités de remplacement des députés en constatant qu’elles demeurent distinctes de celles applicables aux sénateurs, évitant ainsi toute confusion juridique préjudiciable. La décision souligne qu’ « aucune des dispositions de la loi organique (…) n’est contraire à la Constitution », confirmant la liberté du législateur dans l’organisation de la représentation. Cette déclaration de conformité totale assure la sécurité juridique de la réforme tout en renforçant l’autorité du pouvoir législatif pour adapter le code électoral.