Le Conseil constitutionnel a rendu, le 8 août 1985, une décision majeure portant sur la conformité de la loi relative à l’évolution de la Nouvelle-Calédonie. Ce texte législatif organisait le futur statut du territoire en prévoyant notamment une consultation électorale sur l’indépendance associée ainsi qu’un nouveau découpage administratif. Plusieurs parlementaires ont saisi la juridiction afin de contester tant la régularité de la procédure suivie que le contenu matériel des dispositions adoptées. Les requérants dénonçaient une consultation tardive de l’assemblée territoriale ainsi qu’une répartition des sièges au congrès jugée contraire au principe constitutionnel d’égalité. Le problème de droit réside dans la conciliation entre l’organisation particulière des territoires d’outre-mer et l’exigence démocratique de représentation des citoyens. La juridiction valide la procédure législative et les déclarations d’intention mais censure la répartition des élus en raison d’une disproportion démographique excessive. L’examen de cette décision permet d’analyser la souplesse de l’organisation territoriale particulière avant d’étudier la rigueur du contrôle exercé sur la représentativité électorale.
I. La souplesse procédurale et normative de l’organisation particulière des territoires d’outre-mer
A. La validité d’une consultation de l’assemblée territoriale concomitante au débat parlementaire
L’article soixante-quatorze de la Constitution impose la consultation de l’assemblée territoriale intéressée avant toute modification de l’organisation particulière d’un territoire d’outre-mer. Le Conseil considère toutefois qu’aucune disposition n’exige que cet avis soit sollicité préalablement au dépôt du projet de loi devant le bureau du Parlement. Il suffit que les parlementaires disposent de l’avis en temps utile pour apprécier le texte avant son adoption définitive en première lecture de la loi.
B. L’absence de portée normative d’une simple déclaration d’intention législative
Les auteurs de la saisine critiquaient la référence à une association avec la France, y voyant une méconnaissance de la hiérarchie des normes juridiques. La juridiction écarte ce moyen en affirmant que l’article premier de la loi « se borne à formuler une déclaration d’intention sans contenu normatif » réel. Cette qualification juridique soustrait ces dispositions au contrôle de constitutionnalité puisque de simples objectifs législatifs ne sauraient être directement censurés par le juge. La reconnaissance de cette autonomie institutionnelle n’autorise pas pour autant le législateur à ignorer les principes fondamentaux régissant l’expression du suffrage universel.
II. L’exigence de représentativité démographique comme limite à la libre administration
A. La primauté du fondement démographique pour l’élection d’un organe délibérant territorial
Le Conseil rappelle que le congrès territorial doit être élu sur des « bases essentiellement démographiques » afin de garantir une représentation fidèle de la population locale. Cette exigence découle de l’article trois de la Constitution qui définit le suffrage comme étant toujours universel, égal et secret pour tous les citoyens. L’exercice de compétences territoriales effectives impose que l’organe délibérant soit le reflet sincère des habitants et non une simple réunion d’intérêts géographiques disparates.
B. La sanction du dépassement manifeste des critères de représentation géographique
La loi prévoyait une répartition des sièges entre quatre régions qui entraînait une sous-représentation manifeste des zones urbaines les plus denses du territoire. Le juge constitutionnel sanctionne ce découpage en relevant que les limites admissibles de la dérogation au critère démographique ont été, en l’espèce, « manifestement dépassée ». Cette décision protège l’égalité devant le suffrage en interdisant au législateur de favoriser arbitrairement une catégorie de citoyens au détriment de la majorité démographique.