Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 12 janvier 1989, s’est prononcé sur la conformité d’une loi réformant le droit du licenciement économique. Plusieurs parlementaires contestaient tant la régularité de la procédure législative que la substance de nombreuses dispositions relatives à la gestion prévisionnelle de l’emploi. Le litige portait notamment sur le respect des prérogatives des assemblées et sur l’atteinte possible aux principes d’égalité et de liberté individuelle. La haute juridiction a validé l’essentiel du texte, tout en formulant des réserves d’interprétation importantes concernant l’action en justice des syndicats. Cette décision précise l’équilibre entre l’intervention étatique, la négociation collective et la protection des droits fondamentaux des travailleurs en milieu professionnel.
I. L’articulation des sources du droit du travail et de la procédure législative
A. La préservation des prérogatives gouvernementales dans le débat parlementaire
Les requérants dénonçaient une méconnaissance de l’article 45 de la Constitution au motif que le Gouvernement aurait privilégié les positions de l’Assemblée nationale. Le juge rejette ce grief en rappelant que le Gouvernement peut « faire connaître son opinion à tous les stades de la procédure législative ». L’article 31 de la Constitution autorise en effet l’exécutif à être entendu à tout moment par les deux chambres du Parlement français. Cette faculté de parole ne saurait être limitée par la procédure de dernier mot prévue en cas d’échec de la commission mixte paritaire. Le respect de la séparation des pouvoirs implique que le Gouvernement conserve une influence constante sur l’élaboration de la norme législative.
B. La constitutionnalité du renvoi à la négociation collective pour préciser la loi
La loi utilisait des notions comme « salariés âgés » ou « caractéristiques sociales » pour définir les priorités en matière de formation et de reclassement. Les auteurs de la saisine critiquaient une imprécision contraire au principe d’égalité, rendant la loi inapplicable par les employeurs et les magistrats. Le juge constitutionnel estime que ces termes permettent « d’assurer l’application du principe d’égalité à des situations diversifiées » sous le contrôle juridictionnel. Le législateur peut ainsi confier aux partenaires sociaux le soin de préciser les modalités concrètes de mise en œuvre des normes édictées. Cette souplesse législative reconnaît le rôle fondamental des conventions collectives dans la détermination des conditions de travail au sein des entreprises.
II. La protection procédurale et substantielle des droits du salarié
A. L’encadrement du contrôle juridictionnel en faveur de la partie faible
L’article 28 prévoyait qu’en cas de licenciement, le doute sur la cause réelle et sérieuse doit profiter systématiquement au salarié de l’entreprise. Les parlementaires contestaient cette règle au nom de l’égalité des citoyens, craignant un traitement arbitraire selon les circonstances particulières du procès. Le Conseil précise que le juge doit d’abord former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et de l’instruction. C’est uniquement dans l’impossibilité de trancher avec certitude que le magistrat fera « application du principe selon lequel le doute profite au salarié ». Cette règle probatoire ne méconnaît pas l’égalité devant la loi puisqu’elle assure un contrôle juridictionnel identique des conditions légales du licenciement.
B. Le respect de la liberté personnelle face à l’action syndicale de substitution
Le législateur a autorisé les organisations syndicales à agir en justice pour un salarié sans mandat exprès, sauf opposition manifeste de l’intéressé. Cette substitution d’action est jugée conforme à la condition de respecter la « liberté personnelle du salarié » qui possède une valeur constitutionnelle. Le syndicat doit impérativement informer le travailleur par lettre recommandée de la nature de l’action, de sa portée et de son droit. L’acceptation tacite du salarié ne peut être acquise que si l’organisation justifie que le destinataire a eu personnellement connaissance de ces informations. Ces réserves d’interprétation garantissent que le droit syndical ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’autonomie et à la conscience individuelle.