Conseil constitutionnel, Décision n° 89-270 DC du 29 décembre 1989

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 décembre 1989 d’un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour l’année 1989. Les requérants contestaient la création d’une taxe sur les bureaux en Île-de-France et l’intégration de fonctionnaires dans des corps métropolitains. La saisine soutenait que l’imposition géographique violait le principe d’égalité et la libre administration des collectivités territoriales prévue à l’article 72. Elle critiquait également l’insertion de mesures statutaires étrangères au domaine réservé des lois de finances défini par l’ordonnance du 2 janvier 1959. La question portait sur la validité de critères territoriaux en matière fiscale et sur la définition du contenu obligatoire des lois financières. Le Conseil valide le dispositif fiscal régional mais censure l’intégration des fonctionnaires comme constituant une mesure sans rapport avec les finances.

I. La validité d’une fiscalité géographiquement différenciée au regard de l’égalité

A. La justification d’une rupture d’égalité par l’existence de difficultés régionales spécifiques

Le législateur dispose d’une liberté pour déterminer l’assiette d’une imposition sous réserve de fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels. La taxe annuelle sur les bureaux en Île-de-France répond à une volonté publique d’engager un programme d’investissement visant à corriger des déséquilibres graves. Le juge souligne que des difficultés spécifiques se posent avec une acuité particulière en matière de transport et de logement dans cette zone géographique.

Le dispositif ne méconnaît pas l’article 2 de la Constitution car il traite une situation caractérisée par des problématiques locales identifiables et précises. Le Conseil précise que le législateur a entendu agir sur l’éloignement entre le lieu de travail et le lieu d’habitation des nombreux habitants. Cette modulation territoriale permet d’orienter les nouvelles implantations pour répondre à la saturation des infrastructures de transport constatée au sein de la région.

B. L’affirmation du caractère étatique de l’impôt malgré une assiette territoriale localisée

Les auteurs du recours affirmaient qu’un impôt perçu dans une seule région devait être voté par le conseil régional concerné par le prélèvement. Le Conseil rejette ce moyen en rappelant que la taxe constitue un « impôt exclusivement perçu au profit de l’État » dans les écritures du Trésor. Le fait que l’assiette de cet impôt ait un caractère géographique ne modifie en rien sa nature juridique de prélèvement national obligatoire.

Le grief tiré de la violation de l’article 72 de la Constitution est ainsi dénué de pertinence face à une recette de nature étatique. La libre administration des collectivités territoriales ne saurait faire obstacle à la création par le Parlement d’une taxe nationale sur un territoire. Cette solution préserve la compétence exclusive du législateur pour fixer les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions.

II. La rigueur du domaine des lois de finances face aux mesures statutaires

A. L’exclusion des dispositions dépourvues de portée financière réelle et immédiate

L’article 61 de la loi prévoyait l’intégration des fonctionnaires des douanes de Nouvelle-Calédonie dans des corps homologues situés sur le territoire métropolitain. Le juge relève que cette disposition ne comporte aucune création d’emplois ni aucune ouverture de crédits financiers pour l’application de la mesure. Elle n’est pas au nombre des dispositions qui peuvent figurer dans une loi de finances au sens de l’ordonnance du 2 janvier 1959.

En conséquence, la mesure est adoptée selon une procédure non conforme à la Constitution en raison de son absence manifeste de caractère financier. Le Conseil constitutionnel sanctionne ici une disposition qui n’a aucune incidence directe sur les ressources ou les charges de l’État durant l’exercice. Cette rigueur assure que le budget ne devienne pas un réceptacle pour des réformes administratives étrangères à l’équilibre financier de la nation.

B. La sanction procédurale du cavalier budgétaire comme garantie de l’ordre législatif

La déclaration d’inconstitutionnalité sanctionne un vice de procédure législative touchant la composition matérielle de la loi de finances rectificative soumise au juge. Le Conseil protège le domaine réservé des lois financières contre l’insertion de dispositions législatives totalement étrangères à la gestion comptable publique. Cette jurisprudence évite que le Parlement n’utilise les textes budgétaires pour adopter des réformes statutaires sans lien avec les équilibres économiques.

La censure de l’article 61 garantit le respect de la hiérarchie des normes et l’intégrité de la procédure législative fixée par le constituant. Par suite, le juge assure une séparation stricte entre les lois de fond et les lois de finances dont le périmètre est limité. Cette décision rappelle aux pouvoirs publics l’obligation de respecter les cadres juridiques spécifiques prévus pour chaque nature de norme au sein de l’État.

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Hassan KOHEN
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