Le Conseil constitutionnel, par sa décision numéro quatre-vingt-onze deux-cent-quatre-vingt-douze DC du vingt-trois mai mil neuf cent quatre-vingt-onze, examine la conformité d’une résolution parlementaire. Ce texte, adopté le sept mai mil neuf cent quatre-vingt-onze, modifie substantiellement le règlement intérieur de l’Assemblée nationale pour en moderniser le fonctionnement habituel. Les modifications portent sur l’organisation des commissions pendant les intersessions, la procédure de dépôt des textes et l’institution d’un mécanisme d’adoption simplifiée. Saisi obligatoirement en application de l’article soixante et un de la Constitution, le juge doit s’assurer que l’autonomie réglementaire respecte les prérogatives du Gouvernement. La question posée concerne la conciliation entre l’efficacité du travail législatif et la préservation des droits fondamentaux des parlementaires garantis par le bloc de constitutionnalité. Le juge valide l’essentiel de la réforme sous réserve d’un respect strict des délais et des procédures de contrôle de la recevabilité financière. L’assouplissement des règles de fonctionnement des commissions permanentes s’accompagne d’un encadrement rigoureux des nouvelles modalités de discussion et de contrôle budgétaire.
I. L’aménagement fonctionnel du travail en commission
A. La souplesse organisationnelle durant l’intervalle des sessions
Le Conseil constitutionnel valide la suppression de l’exigence de présence de la majorité des membres pour la tenue des réunions de commission hors session. Cette décision s’appuie sur le maintien des garanties relatives au quorum lors des votes effectifs sur les textes ou les amendements proposés. Le juge précise que les modifications « ne sont pas contraires à la Constitution » dès lors que chaque membre conserve la possibilité de participer aux travaux. Cette approche privilégie une vision pragmatique de l’activité parlementaire en permettant une continuité du travail législatif sans entraver la liberté des députés absents. La validité des délibérations repose alors sur la faculté pour un tiers des membres présents de solliciter systématiquement la vérification du quorum nécessaire.
L’abrogation des dispositions subordonnant la réunion des commissions à la demande du Gouvernement renforce l’autonomie de l’Assemblée nationale dans la gestion de son calendrier. Le Conseil constitutionnel souligne toutefois que cette liberté nouvelle doit s’exercer dans le cadre des règles relatives aux convocations et à la publicité des débats. Cette mutation structurelle favorise une meilleure préparation des textes législatifs avant l’ouverture des sessions ordinaires ou extraordinaires prévues par les textes constitutionnels. La recherche de célérité dans l’examen des projets et propositions de loi s’inscrit ainsi dans un cadre respectueux du pluralisme et de la représentation.
B. La rigueur maintenue du contrôle de recevabilité financière
L’institution d’une annonce au Journal officiel pour les dépôts effectués hors session ne dispense pas l’Assemblée d’un contrôle préalable de recevabilité financière. Le juge rappelle fermement que « le respect de l’article quarante exige qu’il soit procédé à un examen systématique » de chaque proposition formulée par un parlementaire. Cette vérification doit intervenir impérativement avant l’annonce du dépôt pour éviter la distribution de textes créant ou aggravant indûment une charge publique. La procédure législative reste donc soumise à cette barrière constitutionnelle protégeant les finances de l’État contre des initiatives parlementaires potentiellement dispendieuses. Le Conseil maintient une interprétation stricte des impératifs organiques pour sauvegarder l’équilibre budgétaire voulu par les rédacteurs de la Constitution de mil neuf cent cinquante-huit.
L’examen de la conformité à l’article quarante-trois de la Constitution permet également de confirmer la validité des règles relatives au renvoi en commission spéciale. L’abrogation de certaines dispositions réglementaires ne saurait faire échec au droit du Gouvernement de demander la création d’une instance spécifique pour un texte. Le juge constitutionnel considère que les modalités pratiques de mise en œuvre de ce droit restent du ressort exclusif du règlement de chaque assemblée. Cette articulation entre les prérogatives de l’exécutif et l’organisation interne garantit la fluidité du processus de production des normes juridiques nationales. La modernisation des structures de travail prépare ainsi l’introduction de mécanismes simplifiés destinés à accélérer la discussion publique des textes législatifs.
II. La modernisation des procédures de délibération et de contrôle
A. La validité conditionnelle de la procédure d’adoption simplifiée
L’institution d’une procédure d’adoption simplifiée répond à la volonté de permettre une « accélération de la procédure législative prise dans son ensemble » lors des débats. Le Conseil constitutionnel autorise cette innovation à la condition expresse que la commission saisie au fond ait préalablement procédé à un examen complet du texte. Ce mécanisme ne doit jamais porter atteinte au droit d’amendement garanti à chaque parlementaire par le premier alinéa de l’article quarante-quatre de la Constitution. L’opposition du Gouvernement ou d’un président de groupe suffit d’ailleurs à écarter l’application de cette procédure dérogatoire pour revenir au droit commun. La protection des minorités et des droits de l’opposition constitue ici le socle de la validation opérée par la juridiction constitutionnelle.
Le juge précise également que la procédure simplifiée ne peut faire obstacle aux prérogatives gouvernementales concernant la fixation de l’ordre du jour prioritaire. Les règles relatives au vote unique et à la réserve des articles demeurent pleinement applicables, quel que soit le mode de discussion retenu par l’Assemblée. Le Conseil veille à ce que la célérité recherchée ne se traduise pas par une dégradation de la qualité du débat démocratique en séance. L’exclusion des lois organiques et des révisions constitutionnelles du champ de cette réforme témoigne d’une volonté de protéger les normes juridiques supérieures. Cette rationalisation de la fonction législative trouve un écho nécessaire dans le renforcement parallèle des capacités de surveillance des finances publiques.
B. La consolidation des instruments du contrôle budgétaire
La résolution modifie le règlement pour permettre l’utilisation des documents communiqués aux rapporteurs spéciaux dans le cadre de l’établissement de rapports d’information thématiques. Le Conseil constitutionnel valide cette extension en se fondant sur la mission générale de contrôle de l’exécution des lois de finances dévolue au Parlement. Il souligne que les assemblées peuvent préciser les modalités d’exercice de ce contrôle « dans le cadre défini par des textes ayant le caractère de lois de finances ». Cette compétence s’exerce sous le bénéfice de l’assistance de la Cour des comptes, conformément aux dispositions de l’article quarante-sept de la Constitution. L’information des députés sur la gestion des deniers publics se trouve ainsi renforcée par une exploitation plus souple des données recueillies.
L’élargissement des missions des rapporteurs spéciaux ne contrevient à aucune règle de valeur constitutionnelle dès lors qu’il respecte le cadre organique des lois de finances. Le juge reconnaît ainsi la légitimité du Parlement à suivre de façon permanente l’emploi des crédits inscrits au budget de chaque département ministériel. Cette fonction de contrôle constitue le corollaire indispensable de l’autorisation budgétaire donnée annuellement par les représentants de la nation réunis en séance publique. La décision confirme la capacité du règlement intérieur à organiser concrètement les prérogatives des membres des commissions financières pour une transparence accrue. La modernisation des méthodes de surveillance budgétaire achève ainsi la transformation globale du fonctionnement de l’Assemblée nationale validée par le juge.