Le Conseil constitutionnel a rendu, le 25 juillet 1991, une décision fondamentale portant sur la loi autorisant l’approbation de la convention de Schengen. Plusieurs membres du Parlement ont saisi la juridiction pour contester la conformité de cet engagement international à la norme suprême française. Les auteurs de la saisine dénonçaient une atteinte aux conditions essentielles de la souveraineté ainsi qu’une violation des libertés individuelles garanties. Le litige portait principalement sur la suppression des contrôles aux frontières intérieures et sur les modalités de la coopération policière transfrontalière. La question juridique centrale consistait à déterminer si l’abandon de certains contrôles frontaliers constituait une aliénation inconstitutionnelle de la souveraineté nationale. Le juge a rejeté ces griefs en soulignant l’existence de garanties préservant les prérogatives régaliennes et le respect des droits fondamentaux.
I. La préservation de la souveraineté nationale face à la suppression des contrôles frontaliers
A. La distinction entre franchissement matériel et délimitation territoriale de l’État
Le Conseil affirme que le franchissement des frontières sans contrôle systématique n’équivaut pas à une suppression de la limite étatique. Cette frontière continue de délimiter juridiquement la compétence territoriale de l’État malgré la libre circulation des personnes admises. Le juge souligne que « le franchissement des frontières sans qu’un contrôle des personnes soit nécessairement effectué n’est pas assimilable à une modification des frontières ». Les institutions de la République conservent ainsi l’intégralité de leurs compétences territoriales originelles dans le cadre de cet accord. La maîtrise des flux migratoires demeure assurée par le transfert des contrôles vers les limites externes de l’espace commun.
B. Le maintien des prérogatives régaliennes au service de l’ordre public
L’article 2 de la convention réserve expressément les compétences de police appartenant à chaque État sur son propre territoire national. Le Conseil constitutionnel relève que la suppression du contrôle aux frontières intérieures n’est nullement absolue ou définitive pour les signataires. Les autorités nationales peuvent rétablir les contrôles frontaliers lorsque l’ordre public ou la sécurité de la Nation l’exigent impérieusement. Le texte stipule que la suppression des contrôles « ne porte pas atteinte à l’exercice des compétences de police qui appartiennent à chacun des États ». La sauvegarde de l’ordre public reste pleinement garantie par les dispositions protectrices de cet engagement international.
II. L’encadrement des mécanismes de coopération et la protection des droits fondamentaux
A. La limitation stricte des pouvoirs de police lors des interventions transfrontalières
La procédure de poursuite transfrontalière prévue par l’accord de Schengen ne constitue pas un transfert de souveraineté au sens constitutionnel. Le juge précise que les agents poursuivants étrangers ne disposent en aucun cas d’un droit d’interpellation sur le sol français. L’entrée dans les domiciles et les lieux non accessibles au public reste formellement interdite à ces policiers lors de leurs missions. Le Conseil rappelle que cette procédure « n’est ni générale, ni discrétionnaire » et s’applique uniquement à des infractions d’une particulière gravité. Le respect des dispositions législatives nationales assurant la sauvegarde de la liberté individuelle s’impose rigoureusement aux agents étrangers.
B. La sanctuarisation du droit d’asile et le respect des libertés individuelles
Le Conseil veille à ce que la détermination d’un État responsable du traitement des demandes d’asile ne compromette pas les droits fondamentaux. Il rappelle l’existence d’une clause de souveraineté permettant à la France de traiter une demande même si la responsabilité incombe à autrui. Cette possibilité reçoit application au profit des personnes susceptibles de bénéficier du droit d’asile en vertu du quatrième alinéa du Préambule de 1946. La décision souligne que la convention « réaffirme les obligations des Parties contractantes » en vertu de la Convention de Genève de 1951. Les garanties résultant des lois nationales et des conventions d’extradition demeurent enfin pleinement opposables pour assurer la protection des individus.