Conseil constitutionnel, Décision n° 92-312 DC du 2 septembre 1992

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 2 septembre 1992, une décision fondamentale relative à la conformité du traité sur l’Union européenne à la Constitution révisée. Après la signature du traité de Maastricht le 7 février 1992, une première censure constitutionnelle imposa une révision par la loi du 25 juin 1992. Des parlementaires saisirent à nouveau le juge constitutionnel afin de contester la validité de l’autorisation de ratification au regard des nouvelles dispositions introduites. Les requérants soutenaient que le traité demeurait contraire à la souveraineté nationale malgré l’adjonction des articles 88-2 et 88-3 dans le texte suprême. Ils invoquaient également le défaut de ratification par un autre État signataire pour faire obstacle à la procédure de ratification française en cours. La question posée au juge était de savoir si la révision constitutionnelle avait effectivement levé tous les obstacles juridiques à la ratification du traité. Le Conseil constitutionnel a décidé que l’engagement international ne comportait plus de clause contraire à la Constitution et a validé l’autorisation de ratification. L’étude de cette décision impose d’analyser l’affirmation de la souveraineté du pouvoir constituant (I) puis la validation des transferts de compétences nécessaires (II).

I. L’affirmation de la souveraineté du pouvoir constituant et de la chose jugée

Le juge rappelle d’emblée que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à toutes les autorités administratives et juridictionnelles en vertu de l’article 62. Il précise que cette autorité s’attache « non seulement à leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et le fondement ». Une nouvelle saisine après révision ne peut intervenir que si la Constitution demeure contraire au traité ou si une disposition nouvelle crée une incompatibilité. Cette règle stricte limite les contestations répétées sur des points déjà tranchés lors de l’examen initial de la conformité de l’engagement international concerné. Le Conseil écarte ainsi les arguments remettant en cause des stipulations précédemment déclarées conformes lors de sa décision rendue le 9 avril 1992.

Le pouvoir constituant dispose d’une liberté totale pour modifier les normes suprêmes afin de permettre l’insertion de clauses conventionnelles dans l’ordre juridique interne. Le Conseil affirme solennellement que « le pouvoir constituant est souverain » sous réserve des limites temporelles et du respect de la forme républicaine du gouvernement. Il peut « abroger, modifier ou compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée » pour atteindre les objectifs poursuivis. Cette souveraineté permet d’introduire des dérogations expresses ou implicites à des principes fondamentaux comme celui de la souveraineté nationale défini à l’article 3. La primauté de la volonté du constituant assure la cohérence entre les engagements internationaux de la France et son architecture juridique fondamentale.

II. La validation des transferts de compétences et des droits électoraux

L’article 88-2 de la Constitution prévoit que la France consent aux transferts de compétences nécessaires à l’établissement de l’union économique et monétaire européenne. Cette disposition spécifique lève les obstacles relatifs à la politique monétaire et de change uniques qui affectaient auparavant les conditions essentielles de la souveraineté. Le juge considère que le choix d’ajouter une disposition nouvelle plutôt que de modifier les articles 3 et 34 relève du seul pouvoir du constituant. L’argumentation des requérants fondée sur une prétendue violation des compétences législatives est ainsi rejetée par une application rigoureuse de la volonté souveraine. Le transfert de souveraineté devient constitutionnellement possible dès lors que le constituant l’a expressément autorisé par une règle de même valeur.

La reconnaissance du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l’Union européenne résidant en France est désormais validée. L’article 88-3 de la Constitution lève l’obstacle qui réservait l’exercice du suffrage aux seuls nationaux français pour la désignation des organes délibérants locaux. Le Conseil souligne que la loi organique d’application devra respecter les prescriptions édictées à l’échelon communautaire pour la mise en œuvre de ce droit. Les citoyens européens « ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux » selon le texte. Cette restriction garantit que la participation des étrangers aux élections locales n’affecte pas la composition d’une assemblée exprimant directement la souveraineté nationale. La conformité du traité est donc totale puisque le constituant a précisément adapté la norme suprême aux exigences du nouvel ordre juridique européen.

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Hassan KOHEN
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