Par un arrêt rendu le 11 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Bordeaux précise l’étendue des obligations de l’administration lors de l’exécution d’une décharge. Un requérant a obtenu du tribunal administratif l’annulation de saisies et la décharge de dettes fiscales, mais il conteste la réalité de son remboursement. Saisie d’une demande d’exécution, la juridiction de première instance a constaté un non-lieu, ce qui a conduit l’intéressé à interjeter appel devant la Cour. La question posée concerne la légalité de compensations opérées par le comptable public sur des impositions ayant fait l’objet d’une décharge juridictionnelle définitive. La persistance apparente des effets des actes de poursuite annulés précède l’examen de la régularité des compensations financières opérées par le comptable public.
I. L’exigence d’une exécution effective des mesures de décharge et d’annulation
A. La cessation nécessaire des effets des actes de poursuite annulés
La Cour administrative d’appel de Bordeaux rappelle d’abord que l’exécution d’un jugement d’annulation implique la cessation immédiate de tout acte de poursuite fondé sur ce titre. Elle relève que « les saisie-attributions du 29 mars 2019 ont continué de produire leurs effets en 2022, malgré l’annulation prononcée » par la juridiction de première instance. Toutefois, les juges constatent que l’administration a finalement cessé ces prélèvements et procédé à des remboursements partiels avant que la Cour ne statue sur l’appel. L’absence de saisies nouvelles depuis décembre 2022 permet d’écarter le grief tenant à la persistance des effets de l’acte annulé au moment de l’arrêt.
B. La limitation du contrôle juridictionnel aux seuls actes objets du litige initial
Le juge de l’exécution limite strictement son contrôle aux mesures nécessaires pour donner effet à la chose jugée par la décision dont l’exécution est demandée. Le requérant invoquait des préjudices liés à d’autres procédures de recouvrement, telles que des avis à tiers détenteur ou des saisies postérieures aux jugements de base. La Cour rejette ces arguments car ils concernent des actes « étrangers au litige tranché par le tribunal administratif » dont il est demandé d’assurer l’exécution. Cette solution classique préserve l’office du juge de l’exécution, lequel ne saurait devenir le juge de l’ensemble des relations entre le fisc et le contribuable.
Au-delà de l’arrêt des prélèvements forcés, le juge de l’exécution doit s’assurer que les sommes restituées ne sont pas indûment détournées par l’administration fiscale.
II. L’irrégularité du mécanisme de compensation face à une créance fiscale déchargée
A. L’impossibilité de compenser avec des dettes inexistantes ou déjà annulées
L’administration fiscale a opposé au contribuable la compensation de ses créances de remboursement avec des dettes de taxes foncières dont il restait prétendument redevable. Cependant, l’instruction révèle que les sommes ainsi appréhendées ont été affectées au paiement de cotisations « qui font elles-mêmes l’objet d’une décharge prononcée par le jugement ». La Cour sanctionne logiquement ce procédé consistant à utiliser des crédits de restitution pour apurer des impôts que le juge a déjà déclarés non dus. Une telle pratique vide de toute substance le droit à la décharge et méconnaît l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions du tribunal administratif.
B. La sanction de l’inexécution par l’injonction de remboursement direct
Face à cette exécution incomplète, le juge administratif exerce ses pouvoirs d’injonction pour rétablir la situation patrimoniale du contribuable telle qu’elle aurait dû être. L’arrêt ordonne ainsi à l’État de procéder au remboursement effectif de la somme de 3 791 euros dans un délai de deux mois après la notification. Cette injonction de paiement constitue la réponse nécessaire à une compensation fictive opérée sur des dettes inexistantes, garantissant ainsi l’effectivité de la protection juridictionnelle. La Cour réactive ici la force exécutoire des jugements administratifs contre une administration qui ne peut se soustraire à ses obligations par des jeux d’écriture comptable.