La Cour administrative d’appel de Bordeaux, par une décision du 11 juillet 2025, se prononce sur la légalité d’une autorisation d’exploiter un parc éolien. Un arrêté préfectoral du 6 septembre 2019 a permis l’installation de huit aérogénérateurs malgré l’opposition de plusieurs riverains soucieux de la protection de la faune. Initialement, la juridiction d’appel avait partiellement annulé cet acte avant que le Conseil d’État n’annule cet arrêt et ne renvoie l’affaire. Les requérants maintiennent que le projet présente un risque de destruction d’espèces protégées nécessitant une dérogation spécifique en vertu du code de l’environnement. La question posée au juge porte sur l’appréciation du caractère caractérisé du risque environnemental en présence de mesures d’évitement et de réduction. La cour rejette l’argumentation en considérant que les dispositifs techniques et le suivi prévus suffisent à écarter l’obligation de solliciter une dérogation individuelle.
I. La caractérisation juridique du risque au regard des mesures d’évitement
A. L’influence des mesures de réduction sur l’obligation de dérogation
L’article L. 411-2-1 du code de l’environnement dispose qu’une dérogation n’est pas requise si le risque de destruction n’apparaît pas « suffisamment caractérisé ». Cette disposition législative récente permet de prendre en compte les mesures d’évitement pour évaluer la nécessité d’une autorisation spéciale de destruction d’espèces. Le juge administratif vérifie si ces engagements diminuent la probabilité d’atteinte aux spécimens protégés au point de rendre la dérogation administrative superfétatoire. Dans cette espèce, la cour estime que les impacts résiduels sur l’avifaune et les chiroptères sont maîtrisés par les garanties d’effectivité présentées.
B. L’appréciation concrète de l’effectivité des dispositifs techniques
Le pétitionnaire a sélectionné des machines dont la garde au sol importante préserve les trajectoires de vol des oiseaux évoluant en milieu ouvert. En effet, le système de détection vidéo et d’effarouchement sonore constitue une mesure de réduction complémentaire jugée probante pour les rapaces et les migrateurs. L’arrêt des pales lors des périodes de faible vent protège également les chauves-souris durant leurs phases de transit ou de chasse nocturne. L’effectivité de ces dispositifs techniques permet de conclure à l’absence de risque caractérisé malgré la présence d’espèces vulnérables sur le site d’implantation.
II. La validation du dispositif de suivi et d’adaptation du projet
A. L’exigence de garanties par un contrôle scientifique permanent
La validité de l’autorisation repose sur la mise en œuvre d’un dispositif de suivi permettant d’évaluer l’efficacité réelle des mesures de protection. Le protocole prévoit une surveillance accrue de la mortalité durant la première année d’exploitation avec une transmission régulière des données à l’autorité administrative. Par ailleurs, ces observations scientifiques garantissent l’absence d’ « incidence négative importante » sur le maintien des populations concernées dans un état de conservation favorable. Le juge souligne l’importance d’un suivi comportemental post-implantation pour quantifier les impacts réels et ajuster éventuellement les paramètres de fonctionnement du parc.
B. La portée préventive des prescriptions administratives complémentaires
L’autorité préfectorale a renforcé les prescriptions initiales en imposant des périodes d’arrêt total des turbines lors des travaux agricoles les plus sensibles. Cette faculté d’adaptation garantit que le projet pourra être modifié sans délai en cas de constat d’un impact environnemental imprévu ou significatif. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux consacre ainsi une approche dynamique de la protection de la biodiversité par la régulation continue. La décision confirme que la rigueur technique des mesures préventives peut légalement suppléer l’absence de dérogation administrative formelle pour les espèces protégées.