Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 13 février 2025, n°24BX01985

La cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 13 février 2025, une décision relative au refus de délivrance d’un titre de séjour. Une ressortissante étrangère conteste la légalité d’un acte préfectoral lui refusant la mention « vie privée et familiale » malgré sa situation personnelle. Entrée irrégulièrement en France en 2018, l’intéressée s’est maintenue sur le territoire national en dépit d’une mesure d’éloignement restée sans exécution. Elle invoque désormais sa vie commune avec un compatriote régularisé ainsi que la naissance de ses deux enfants pour obtenir sa régularisation. Saisi en première instance, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d’annulation par un jugement du 12 juillet 2024. La requérante soutient que le refus préfectoral porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Elle invoque également l’intérêt supérieur de ses enfants nés en France pour faire obstacle à la décision administrative de refus. La juridiction d’appel doit déterminer si la réalité de la communauté de vie est établie et si l’intérêt de l’enfant est opérant. La cour administrative d’appel rejette la requête en soulignant l’absence de preuves matérielles et l’inopérance de certains moyens de droit.

I. L’exigence d’une communauté de vie effective et prouvée

A. La prépondérance des rapports d’enquête administrative

L’autorité administrative fonde son refus sur une visite inopinée réalisée par les services de renseignements territoriaux au domicile déclaré du couple. Les agents ont constaté que le concubin déclaré était absent et que ses effets personnels présents sur place étaient particulièrement limités. La cour administrative d’appel de Bordeaux valide ce mode de preuve en relevant que « la réalité de la communauté de vie n’a pas pu être vérifiée ». Les constatations matérielles effectuées par l’administration priment ici sur les simples déclarations de la requérante concernant son organisation familiale. L’absence d’informations précises de l’intéressée sur les activités de son partenaire renforce le doute légitime des juges sur la sincérité du concubinage. Cette rigueur probatoire illustre la volonté du juge administratif de sanctionner les détournements de procédure destinés à obtenir un titre de séjour.

B. L’insuffisance des éléments de preuve contraires

La requérante produit des factures d’électricité et des avis d’imposition à son seul nom pour tenter de démontrer sa stabilité en France. La juridiction d’appel estime que ces documents ne permettent pas d’infirmer les conclusions précises de l’enquête administrative menée au domicile. Par ailleurs, elle « ne produit aucune pièce qui serait de nature à établir une quelconque contribution du père à l’entretien de l’enfant ». La seule production d’un acte de naissance ou d’une copie de titre de séjour du partenaire ne suffit pas à caractériser une vie familiale. La cour souligne également que l’intéressée conserve des attaches familiales fortes dans son pays d’origine où réside son fils aîné. Le maintien irrégulier sur le territoire après une mesure d’éloignement pèse lourdement dans l’appréciation globale portée par les magistrats bordelais.

II. L’inefficacité juridique de l’intérêt de l’enfant contre le refus de séjour

A. L’inopérance des stipulations de la convention internationale

Le juge administratif écarte le moyen tiré de la méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant comme étant juridiquement inefficace dans ce litige. La cour affirme que ce moyen « est inopérant à l’encontre d’une décision portant refus de séjour » n’impliquant pas directement le retour. En effet, le refus de délivrer un titre de séjour ne constitue pas, par lui-même, une mesure d’éloignement forcé vers le pays d’origine. Les stipulations du paragraphe 1 de l’article 3 de la convention de New-York ne peuvent donc pas utilement critiquer un tel acte. Cette solution rappelle que la légalité du refus de séjour s’apprécie indépendamment des conséquences éventuelles d’une future mesure d’exécution. L’autorité administrative n’est pas tenue, à ce stade de la procédure, d’évaluer les modalités concrètes de départ des enfants mineurs.

B. Une distinction fondamentale entre droit au séjour et éloignement

La décision confirme la séparation stricte opérée par la jurisprudence entre la décision de refus de titre et l’obligation de quitter le territoire. La cour administrative d’appel de Bordeaux précise que le refus de séjour n’implique pas le retour forcé de la requérante ou de ses enfants. Dès lors, l’atteinte à l’unité familiale n’est pas consommée par le seul acte administratif refusant la régularisation de la situation de l’intéressée. Cette interprétation limite considérablement la portée protectrice des conventions internationales lors de la phase d’examen du droit au séjour des étrangers. Le juge administratif maintient ainsi une lecture restrictive des obligations pesant sur l’État en matière de protection des droits des mineurs étrangers. Le rejet des conclusions d’appel confirme la primauté de l’ordre public sur des liens familiaux jugés insuffisamment intenses ou mal établis.

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Hassan KOHEN
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