Cour d’appel administrative de Bordeaux, le 16 septembre 2025, n°23BX01786

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 16 septembre 2025, une décision précisant les modalités de détermination de la consistance d’un droit d’eau. Une société exploite une centrale hydroélectrique sur un cours d’eau non domanial et revendique un droit fondé en titre pour une puissance élevée. Le préfet a limité cette capacité à 290 kW par un arrêté du 25 septembre 2020 après avoir examiné la configuration physique des ouvrages. Le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande tendant à l’annulation de cet acte par un jugement rendu le 26 avril 2023. L’appelante soutient que les installations permettaient historiquement une dérivation de débit supérieure selon des expertises techniques produites lors de l’instruction. La juridiction doit déterminer si ces éléments permettent de fixer la consistance légale au-delà des constatations administratives fondées sur l’état primitif. La Cour confirme le rejet de la requête en validant le calcul administratif reposant sur les caractéristiques physiques originelles de l’usine.

I. La fixation de la puissance théorique originelle de l’installation

A. L’application des critères légaux de calcul de la force motrice

Le droit fondé en titre se définit par la consistance légale qui était la sienne à l’époque de sa création ou de son aliénation. La Cour rappelle que cette puissance « correspond, non à la force motrice utile que l’exploitant retire de son installation (…) mais à la puissance maximale dont il peut, en théorie, disposer ». Cette définition exclut la prise en compte du rendement réel des turbines pour se focaliser exclusivement sur le potentiel hydraulique brut du site. Le calcul légal résulte ainsi du produit de la hauteur de chute par le débit maximum de dérivation et l’intensité de la pesanteur. Cette approche garantit une évaluation objective de la capacité de prélèvement autorisée par le titre ancien sans égard pour les améliorations techniques ultérieures.

B. L’interprétation des documents historiques de référence

La preuve de la capacité historique d’une usine repose sur l’analyse des actes réglementaires ayant encadré son fonctionnement au cours du XIXe siècle. Un décret impérial du 20 novembre 1867 définissait avec précision les dimensions de la prise d’eau et le niveau légal de la retenue. Ces informations permettent d’établir avec certitude une hauteur de chute de 9,88 mètres entre le niveau de l’eau et l’exutoire de l’usine. Les juges écartent les simples relevés statistiques de la fin du siècle car ils ne précisent pas la méthodologie utilisée pour mesurer les débits. La juridiction privilégie donc les prescriptions techniques des titres officiels pour asseoir la légitimité et l’étendue exacte des droits d’usage de l’eau.

II. L’appréciation des preuves techniques relatives aux évolutions de l’ouvrage

A. Le renversement de la présomption de conformité par les modifications matérielles

La consistance d’un droit d’eau est présumée conforme à son état actuel, sauf si l’administration démontre l’existence de modifications ayant altéré l’ouvrage. En l’espèce, les services de l’État ont constaté que le seuil de la prise d’eau a été abaissé et sa section considérablement élargie. Ces transformations structurelles du canal d’amenée ont « nécessairement eu pour effet d’augmenter le débit dérivé » par rapport aux dispositions fixées par le décret. Le juge estime alors que la capacité actuelle de l’installation ne saurait servir de base légale au calcul de la puissance fondée en titre. La démonstration d’une extension des ouvrages conduit logiquement à écarter la présomption de conformité au profit d’une reconstitution de l’état initial.

B. L’éviction des modélisations hydrauliques entachées d’irrégularités méthodologiques

L’exploitant a soumis une simulation hydraulique récente pour tenter d’infirmer l’évaluation du débit de dérivation retenue par le préfet dans son arrêté. La Cour rejette cette expertise au motif qu’elle emploie un coefficient de rugosité inadapté à la nature réelle des parois du canal d’amenée. L’étude faisait également abstraction des niveaux d’eau réglementaires et des dispositifs de décharge obligatoires pour maintenir la cote de la retenue normale. « L’étude présente des biais méthodologiques empêchant de valider la valeur de débit de 6 m3/s retenue » par le bureau d’études privé. La rigueur des démonstrations techniques demeure une condition impérative pour remettre en cause les chiffres issus des constatations physiques de la police de l’eau.

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Hassan KOHEN
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