La Cour administrative d’appel de Bordeaux a rendu, le 18 mars 2025, un arrêt concernant le régime du temps de travail des agents contractuels territoriaux. Un agent recruté en deux mille neuf contestait l’annualisation de ses services, effectuée sur trente-trois semaines au lieu des cinquante-deux semaines habituelles. Le tribunal administratif de Bordeaux avait rejeté sa demande indemnitaire par un jugement du 9 février 2023, dont l’intéressé a relevé appel. Le litige porte sur l’application du régime des obligations de service prévu par le statut particulier des assistants territoriaux d’enseignement artistique aux agents non titulaires. La juridiction d’appel devait décider si l’absence de référence textuelle précise dans le contrat de travail faisait obstacle à la revendication de ces garanties spécifiques. Les juges bordelais confirment la solution de première instance en rejetant la requête indemnitaire de l’agent au motif d’une absence d’erreur de droit. Cette position repose sur une stricte lecture de l’engagement contractuel qui écarte l’application automatique des garanties statutaires.
I. L’inopposabilité du régime des obligations de service aux agents non titulaires
L’arrêt souligne d’abord que le bénéfice d’un statut particulier ne s’étend pas automatiquement aux agents recrutés par contrat au sein de la fonction publique.
A. La distinction fondamentale entre la situation statutaire et la relation contractuelle
La Cour administrative d’appel rappelle avec fermeté que « les agents contractuels et les fonctionnaires ne se trouvant pas dans la même situation juridique ». Cette différence de nature juridique interdit toute assimilation de plein droit entre les deux catégories de personnels, même lorsqu’ils exercent des missions identiques. Si les fonctionnaires sont soumis à un régime d’obligations de service excluant l’annualisation, cette protection demeure étroitement liée à leur qualité de titulaire. Les dispositions statutaires font certes obstacle à l’annualisation pour les titulaires, mais elles ne s’imposent pas par nature aux agents recrutés par la voie contractuelle. La juridiction écarte ainsi la prétention du requérant qui invoquait l’application immédiate des textes régissant le cadre d’emplois des assistants territoriaux d’enseignement artistique.
B. L’exigence d’une mention expresse du décret statutaire dans l’acte d’engagement
Pour que le régime dérogatoire des obligations de service s’applique à un agent non titulaire, le contrat de travail doit s’y référer explicitement et précisément. Les juges constatent que l’engagement à durée indéterminée se bornait à viser la loi du 26 janvier 1984 sans mentionner le décret du 29 mars 2012. En l’absence de « référence contractuelle précise » à ce texte particulier, la collectivité territoriale n’est pas engagée vis-à-vis de l’agent sur la base de ce statut. Les mentions relatives à l’indice de rémunération ou à la dénomination de l’emploi ne suffisent pas à établir une volonté de soumission intégrale au décret. La volonté des parties, telle qu’exprimée dans les clauses contractuelles, demeure le seul fondement juridique permettant d’invoquer les bénéfices attachés à un cadre d’emplois spécifique. Cette absence de protection statutaire autorise l’autorité administrative à organiser le service selon des modalités d’annualisation.
II. La validation de l’annualisation du temps de travail des enseignants contractuels
Le rejet de l’application du statut particulier permet ensuite à la juridiction administrative de valider les modalités d’organisation du temps de travail choisies par l’employeur.
A. L’absence d’erreur de droit commise par l’autorité administrative employeuse
La collectivité pouvait légalement multiplier le nombre d’heures hebdomadaires par trente-trois semaines pour déterminer la quotité de travail et la rémunération globale de son agent. La Cour administrative d’appel de Bordeaux estime que le président de la collectivité n’a pas entaché sa décision d’une erreur de droit en refusant l’indemnisation. Puisque le régime des obligations de service est inapplicable, l’administration conserve la possibilité de recourir à l’annualisation pour organiser l’activité de l’école de musique concernée. Le juge vérifie simplement si le mode de calcul retenu respecte les termes généraux du contrat de travail et les besoins réels du service public. L’absence de lien entre une modification ultérieure du contrat et le préjudice invoqué renforce la décision de rejeter toute responsabilité de la personne publique.
B. Les limites de l’analogie entre les fonctions exercées et les droits pécuniers
Le requérant ne pouvait se prévaloir utilement du fait qu’il « exerçait les mêmes fonctions qu’un fonctionnaire » pour obtenir un complément de rémunération sur cinquante-deux semaines. L’égalité de traitement entre les agents ne saurait pallier l’absence de fondement contractuel ou règlementaire ouvrant droit à un régime de travail plus favorable. La juridiction d’appel confirme ainsi une jurisprudence constante limitant l’assimilation des agents contractuels aux titulaires aux seuls cas prévus par les textes en vigueur. La protection contre l’annualisation demeure une prérogative attachée au statut de fonctionnaire, dont l’extension par analogie reste strictement encadrée par le juge administratif français. Cette solution assure une sécurité juridique aux collectivités territoriales dans la gestion de leurs personnels non titulaires, tout en respectant la lettre des engagements contractuels.