La cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 19 décembre 2024, une décision relative à la responsabilité administrative pour dommages de travaux publics. Une usagère de la voie publique a chuté après s’être appuyée sur une barrière de sécurité située à l’angle de deux rues. La requérante a sollicité la condamnation de la commune en réparation des préjudices corporels subis lors de cet accident survenu en octobre 2016. Le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande indemnitaire par un jugement rendu le 22 juillet 2022. L’intéressée a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Douai afin d’obtenir l’annulation de ce jugement de première instance. Elle soutient que l’ouvrage public présentait un défaut d’entretien normal en raison d’une fixation défaillante ayant provoqué sa chute. La commune fait valoir que la requérante n’établit pas la réalité des faits et invoque une utilisation anormale de la barrière de sécurité. La juridiction d’appel devait déterminer si les preuves apportées par la victime suffisaient à établir le lien de causalité entre l’ouvrage et le dommage. La cour rejette la requête en considérant que les attestations produites ne permettent pas de caractériser les circonstances exactes de l’accident allégué. L’étude de cette solution conduit à analyser l’exigence probatoire du lien de causalité avant d’envisager les conséquences de cette rigueur sur l’engagement de la responsabilité.
I. L’exigence rigoureuse de la preuve du lien de causalité
A. La charge de la preuve pesant sur l’usager de l’ouvrage Le régime de responsabilité pour dommages de travaux publics repose sur une distinction classique entre l’usager et le tiers vis-à-vis de l’ouvrage public. La cour rappelle qu’il « appartient à l’usager, victime d’un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité ». Cette règle impose à la victime de démontrer que l’ouvrage est la cause déterminante et directe du préjudice dont elle demande réparation. La collectivité ne peut voir sa responsabilité engagée qu’une fois cette preuve apportée de manière certaine par le demandeur à l’action. Ce mécanisme protège efficacement l’administration contre les demandes d’indemnisation qui ne reposeraient pas sur un fait générateur clairement identifié et imputable.
B. L’insuffisance des éléments probatoires produits par la requérante La cour administrative d’appel de Douai exerce un contrôle strict sur la valeur des pièces versées au dossier par la victime de l’accident. La requérante produisait trois attestations de proches réalisées plusieurs mois après les faits ainsi qu’un procès-verbal de dépôt de plainte tardif. Le juge estime que ces éléments « ne permettent pas, à eux seuls, d’établir que l’accident dont [l’intéressée] a été victime s’est bien produit ». La juridiction souligne ainsi que des témoignages indirects ou familiaux ne sauraient suffire à pallier l’absence de constatations matérielles immédiates sur les lieux. L’impossibilité de caractériser le lien de causalité rend superflu l’examen du fonctionnement de l’ouvrage ou la réalisation d’investigations techniques complémentaires.
II. L’absence de responsabilité pour défaut d’entretien normal
A. L’éviction de l’expertise au profit d’une appréciation souveraine des faits Le juge administratif dispose d’un large pouvoir pour apprécier l’utilité d’une mesure d’instruction complémentaire avant de trancher le litige indemnitaire. La cour refuse d’ordonner une expertise médicale en soulignant qu’il n’est pas besoin d’une telle mesure pour rejeter les prétentions de la victime. Cette position s’explique par le fait que la requérante « n’établit pas que le dommage qu’elle invoque a bien été causé par la barrière anti-stationnement ». L’inutilité de l’expertise découle directement de l’échec de la requérante à démontrer la causalité lors de la phase préliminaire du raisonnement juridique. Le juge évite ainsi de prolonger une procédure dont le fondement factuel fait défaut dès l’examen des circonstances de la chute.
B. La protection de la collectivité face aux allégations non étayées La solution retenue par la cour confirme la robustesse de la protection accordée aux collectivités territoriales en matière d’entretien des ouvrages publics. En l’absence de preuve du lien de causalité, l’administration se trouve totalement exonérée sans même avoir à établir l’entretien normal de la voirie. Le rejet des conclusions de la requérante souligne l’importance pour les usagers de constituer des éléments probants immédiatement après la survenance d’un dommage. Cette jurisprudence prévient les risques de dérives indemnitaires fondées sur des récits purement déclaratifs ou des témoignages de complaisance peu circonstanciés. La cour assure ainsi un équilibre nécessaire entre le droit légitime à réparation et la sécurité juridique des gestionnaires de l’espace public.