Cour d’appel administrative de Douai, le 19 mars 2025, n°24DA00986

La Cour administrative d’appel de Douai a rendu le 19 mars 2025 une décision précisant les garanties de carrière des agents publics investis de mandats syndicaux. Un attaché territorial bénéficie d’une décharge totale d’activité pour l’exercice de fonctions syndicales au sein de sa collectivité employeuse depuis plusieurs années. En 2021, ce fonctionnaire sollicite son avancement au grade d’attaché principal en se fondant sur les dispositions protectrices du statut général des fonctionnaires. L’autorité territoriale refuse d’accéder à cette demande, ce qui incite l’agent à former un recours indemnitaire devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 26 mars 2024, les premiers juges condamnent l’administration à réparer les préjudices financiers et moraux subis par l’intéressé. La collectivité interjette appel en soutenant que l’inscription au tableau d’avancement ne garantit jamais une promotion automatique pour le fonctionnaire déchargé. Le juge d’appel doit déterminer si l’inscription de plein droit prévue par la loi impose la nomination effective de l’agent au grade supérieur. La Cour juge que l’intéressé « remplissait les conditions fixées par les dispositions précitées pour bénéficier de plein droit d’un avancement au grade d’attaché principal ». La solution retenue consacre un droit à l’avancement de grade tout en précisant les conditions d’engagement de la responsabilité de la puissance publique.

I. L’affirmation d’un droit à l’avancement pour les agents investis de mandats syndicaux

A. Le mécanisme de l’inscription de plein droit au tableau d’avancement L’article 23 bis de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que l’agent déchargé est inscrit « de plein droit, au tableau d’avancement de grade ». Cette inscription automatique repose exclusivement sur « l’ancienneté acquise dans ce grade » par rapport à la moyenne des autres fonctionnaires déjà promus. En l’espèce, l’intéressé justifiait de sept ans de services effectifs en catégorie A et avait atteint le huitième échelon de son cadre d’emplois. L’inscription au tableau ne saurait être subordonnée à une appréciation des mérites professionnels par l’autorité territoriale investie du pouvoir de nomination. La loi neutralise ainsi l’absence d’évaluation par la hiérarchie pour garantir une progression de carrière équivalente à celle des autres agents du service.

B. La reconnaissance d’un droit à la nomination effective Le juge d’appel précise que l’inscription au tableau d’avancement emporte, dans cette configuration spécifique, un droit à la promotion réelle de l’agent territorial. L’administration « n’invoque en tout état de cause aucune circonstance » de nature à faire obstacle à la nomination de l’intéressé dans le grade supérieur. Cette solution déroge au principe général selon lequel l’inscription sur un tableau d’avancement ne crée normalement aucun droit à une nomination immédiate. La protection des carrières syndicales impose une automaticité de l’avancement afin de compenser l’impossibilité de démontrer une valeur professionnelle par les voies classiques. L’illégalité fautive du refus de promotion engendre des conséquences indemnitaires tout en encadrant strictement les allégations relatives à une pratique discriminatoire.

II. L’encadrement de la responsabilité administrative et la preuve de la discrimination

A. La caractérisation d’une faute de nature à engager la responsabilité La collectivité commet une faute de service en refusant d’inscrire l’agent au tableau d’avancement malgré le respect des conditions légales impératives précitées. Le préjudice financier subi présente un « lien de causalité direct avec la faute de l’administration » concernant les pertes de rémunération subies par l’agent. La Cour valide l’indemnisation de la différence de traitement entre le grade actuel et celui que le fonctionnaire aurait dû normalement occuper. Par ailleurs, le préjudice moral est justement évalué à une somme de cinq cents euros en raison de l’illégalité manifeste du refus opposé. L’administration doit ainsi réparer l’intégralité des dommages découlant de cette rupture d’égalité dans la gestion de la carrière de son agent.

B. La rigueur probatoire relative au grief de discrimination syndicale Le juge rappelle qu’il appartient au demandeur de soumettre des « éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte » au principe d’égalité. Toutefois, le seul refus illégal de promotion ne permet pas de présumer l’existence d’une discrimination intentionnelle liée à l’activité syndicale du requérant. La Cour souligne que l’intéressé avait bénéficié de promotions antérieures sans que son engagement militant ne puisse lui porter un quelconque préjudice passé. L’absence d’éléments complémentaires probants conduit ainsi au rejet de l’appel incident relatif à l’indemnisation spécifique d’une pratique discriminatoire au sein du service. La charge de la preuve demeure donc équilibrée entre la protection des libertés syndicales et la présomption de régularité des actes administratifs.

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Hassan KOHEN
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