Cour d’appel administrative de Douai, le 28 août 2025, n°24DA02263

La cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 28 août 2025, un arrêt relatif à la contestation de mesures de surveillance en milieu carcéral. Une personne détenue demandait l’annulation d’une pratique de fouilles intégrales systématiques à l’issue des parloirs entre 2017 et 2020. Le tribunal administratif de Lille avait initialement rejeté cette demande comme irrecevable en l’absence de décision administrative préalable. La requérante soutenait que la répétition des mesures révélait l’existence d’une décision non formalisée portant atteinte à ses droits fondamentaux. Le juge d’appel devait déterminer si l’exercice répété de fouilles corporelles caractérisait une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La juridiction confirme l’irrecevabilité de la requête en relevant que les fouilles ne présentaient pas la constance nécessaire à l’établissement d’un régime systématique. Cette analyse repose sur la distinction fondamentale entre des mesures ponctuelles de sécurité et une décision de portée générale.

**I. L’identification rigoureuse de la décision administrative contestée**

L’existence d’une décision constitue une condition de recevabilité indispensable du recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

*A. Le refus de reconnaître une décision non formalisée*

La requérante prétendait que la pratique des fouilles révélait « l’existence d’une décision de l’administration pénitentiaire prescrivant de manière systématique la réalisation de telles fouilles ». Le juge administratif exige toutefois une preuve matérielle ou un faisceau d’indices concordants pour admettre l’existence d’un acte non écrit. En l’espèce, les témoignages produits ont été jugés trop imprécis pour établir une volonté administrative de systématiser ces mesures de contrôle. La cour refuse donc de voir dans ces agissements une décision occulte susceptible de faire grief à la personne incarcérée.

*B. L’absence de caractère systématique des mesures de contrôle*

La solution s’appuie sur un constat factuel précis concernant la fréquence des interventions subies par l’intéressée lors de ses visites. La juridiction relève que sur vingt-quatre parloirs, la personne détenue « n’a fait l’objet d’une fouille intégrale qu’à l’occasion de vingt-et-un d’entre eux ». Cette simple différence numérique suffit à démontrer l’absence d’une règle automatique s’appliquant sans distinction à chaque rencontre avec des tiers. La cour en déduit logiquement « qu’aucune décision prescrivant la réalisation systématique de fouilles corporelles intégrales à l’issue des parloirs n’a été prise ». Le défaut de continuité dans l’application de la mesure exclut ainsi toute qualification de décision administrative générale.

**II. Le cadre juridique contraignant des fouilles corporelles en détention**

Le droit pénitentiaire encadre strictement le recours aux fouilles intégrales afin de préserver la dignité des personnes soumises à une contrainte publique.

*A. La justification des mesures par les impératifs de sécurité*

L’article 57 de la loi du 24 novembre 2009 impose que les fouilles soient motivées par la sécurité ou le maintien du bon ordre. La cour administrative d’appel de Douai précise que ces contrôles résultaient ici de « décisions ponctuelles de fouilles non individualisées » prises suite à des incidents. Ces mesures collectives sont autorisées indépendamment de la personnalité des détenus lorsqu’il existe des soupçons sérieux d’introduction d’objets interdits. L’administration a ainsi agi dans le cadre de ses prérogatives de police intérieure pour garantir l’intégrité de l’établissement pénitentiaire. Cette base légale permet de distinguer les mesures générales de sécurité des régimes individuels fondés sur le comportement particulier.

*B. Les principes de subsidiarité et de dignité de la personne*

Les juges rappellent que « les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation » ou aux moyens de détection électronique. Cette règle oblige l’administration à rechercher systématiquement la mesure la moins intrusive pour la vie privée et l’intimité physique des personnes. Il appartient aux autorités de veiller à ce que les conditions d’exécution de ces contrôles ne soient pas « attentatoires à la dignité de la personne ». La solution rendue confirme que le respect de ces principes s’apprécie au regard de la nécessité et de la proportionnalité de chaque acte. L’arrêt souligne ainsi la vigilance du juge administratif face à des pratiques pouvant altérer les droits fondamentaux en détention.

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Hassan KOHEN
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