Cour d’appel administrative de Douai, le 31 juillet 2025, n°24DA01386

La Cour administrative d’appel de Douai se prononce, le 31 juillet 2025, sur la légalité de mesures d’éloignement prises à l’encontre de deux époux. Un ressortissant étranger entre en France en 2015 sous couvert d’un visa puis fait l’objet d’une interpellation pour des faits de recel. Son épouse, présente depuis 2014, bénéficiait de titres de séjour pour raison médicale dont le renouvellement fut refusé par l’autorité préfectorale en juillet 2024.

Le tribunal administratif d’Amiens rejette les recours formés contre les arrêtés préfectoraux par deux jugements rendus en mai et décembre 2024. Les requérants interjettent appel devant la Cour administrative d’appel de Douai en invoquant la méconnaissance du droit à la vie familiale et de l’intérêt des enfants. Ils soutiennent également que l’état de santé de l’épouse nécessite un maintien sur le territoire français au regard de l’offre de soins disponible.

Le juge doit déterminer si l’éloignement d’une famille installée depuis plusieurs années porte une atteinte excessive au droit garanti par les conventions internationales. La juridiction d’appel écarte les moyens soulevés en considérant que la cellule familiale peut se reconstituer sans difficulté majeure dans le pays d’origine. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord l’appréciation des liens familiaux avant d’aborder la question de la prise en charge médicale des étrangers.

I. Une application rigoureuse de la protection de la vie privée et familiale

A. La relativité de l’intensité des liens familiaux noués sur le territoire

La Cour administrative d’appel de Douai vérifie si l’arrêté préfectoral respecte les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Le magistrat souligne que les éléments produits ne justifient pas l’ancienneté du séjour en dépit des affirmations relatives à une arrivée en 2015. Cependant, les juges relèvent que « le couple n’entretient une vie commune que depuis 2022 » malgré la naissance d’un enfant commun en 2018.

La juridiction considère que le mariage célébré en 2023 demeure trop récent pour caractériser une insertion familiale d’une intensité particulière au sens de la jurisprudence. Le requérant ne démontre pas avoir tissé des liens sociaux ou professionnels suffisamment forts pour faire obstacle à une mesure d’éloignement du territoire français. Les attaches familiales subsistent majoritairement dans le pays d’origine où l’intéressé a résidé jusqu’à l’âge de trente-cinq ans selon les constatations matérielles.

B. La préservation de l’unité familiale par le retour collectif

Le juge administratif examine ensuite l’intérêt supérieur des enfants conformément aux stipulations de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant signée à New York. L’épouse fait valoir que son fils bénéficie de la nationalité française et que le second enfant présente des troubles autistiques nécessitant une prise en charge. Toutefois, la Cour estime que la décision litigieuse « n’a pas pour objet de séparer la cellule familiale » dès lors que les deux parents sont éloignés.

La situation irrégulière des deux conjoints permet une reconstitution de la vie familiale dans leur pays commun dont ils possèdent tous deux la nationalité. Aucun élément probant n’établit que l’enfant de nationalité française entretiendrait des relations effectives avec son père français ou qu’il serait dépourvu de repères à l’étranger. La Cour valide ainsi la possibilité pour la famille de poursuivre son existence hors de France sans méconnaître les droits fondamentaux des mineurs concernés.

II. La validation de l’appréciation administrative de la situation individuelle

A. La conformité du refus de séjour fondé sur l’état de santé

Le contentieux porte également sur le refus de renouvellement du titre de séjour sollicité par l’épouse en qualité d’étranger malade selon le code de l’entrée. L’autorité administrative se fonde sur l’avis du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration rendu le 3 avril 2024. Cet avis précise que « l’intéressée peut néanmoins bénéficier d’un traitement approprié » dans son pays d’origine malgré la gravité potentielle de sa pathologie.

La requérante ne produit aucun élément médical circonstancié de nature à contester sérieusement les conclusions des médecins experts de l’administration lors de l’instance d’appel. La Cour rappelle qu’il convient de s’assurer de la disponibilité d’un traitement approprié et non d’une équivalence parfaite avec les soins dispensés en France. Néanmoins, l’absence d’argumentation technique précise conduit le juge à confirmer la légalité du refus de séjour opposé par le préfet de l’Aisne.

B. L’incidence limitée de l’inexactitude matérielle sur la validité de l’acte

La requérante invoque une erreur de fait commise par le préfet concernant sa situation professionnelle au moment de l’édiction de la décision contestée. Elle démontre bénéficier d’un contrat de travail à durée déterminée alors que l’administration affirmait l’absence d’emploi pour justifier la mesure d’obligation de quitter le territoire. Enfin, le juge administratif applique la théorie de la neutralisation des motifs erronés pour maintenir la validité de la décision administrative attaquée devant lui.

La Cour considère que « le préfet aurait pris la même décision » s’il n’avait pas commis cette inexactitude matérielle au regard des autres éléments du dossier. L’insertion professionnelle temporaire ne suffit pas à compenser l’absence de droit au séjour ou l’absence d’attaches privées prépondérantes sur le sol français. Le juge confirme donc les jugements du tribunal administratif d’Amiens en rejetant l’intégralité des prétentions formulées par les membres de cette famille.

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Hassan KOHEN
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