Cour d’appel administrative de Lyon, le 1 septembre 2025, n°24LY02716

Par une ordonnance du 1er septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon précise le régime juridique applicable aux changements d’affectation des personnes détenues. Un individu condamné conteste son transfert d’un centre de détention vers un établissement pénitentiaire classique, décidé par l’autorité administrative compétente. Le Tribunal administratif de Grenoble ayant annulé cette décision, l’administration sollicite un sursis à l’exécution du jugement devant la juridiction d’appel. L’appelant soutient que le changement d’affectation constitue une simple mesure d’ordre intérieur ne nécessitant aucune procédure contradictoire préalable avec l’intéressé. Le juge doit déterminer si la modification de l’affectation d’un détenu, motivée par son comportement, est susceptible d’un recours pour excès de pouvoir. La juridiction rejette la demande de sursis en considérant que la mesure fait grief et méconnaît les règles de procédure. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord la qualification juridique de l’acte avant d’examiner les conditions du sursis à exécution.

I. La qualification du changement d’affectation comme acte faisant grief

A. Le rejet de la catégorie des mesures d’ordre intérieur

L’administration prétend que le transfert entre établissements relève de la gestion interne des services pénitentiaires sans incidence sur les droits des détenus. La juridiction d’appel écarte ce raisonnement en soulignant qu’une « mesure d’ordre intérieur se caractérisant par l’absence d’incidence sur la situation juridiquement protégée de la personne qu’elle vise ». Elle rappelle que le code de procédure pénale encadre strictement les conditions de modification de l’affectation initiale des individus condamnés. Le juge considère ainsi que « le droit au maintien de l’affectation étant protégé », la mesure ne peut constituer une simple décision d’ordre intérieur. Cette solution confirme l’évolution de la jurisprudence vers une réduction constante du champ des actes insusceptibles de tout recours contentieux.

B. L’exigence impérative d’une procédure contradictoire

Puisque l’acte fait grief à l’intéressé, il doit respecter les garanties fondamentales prévues par le droit des relations entre l’administration et le public. L’ordonnance précise que cette décision « entre dans le champ de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration ». L’autorité administrative devait donc organiser une procédure contradictoire préalable pour permettre au condamné de présenter ses observations utiles. Le juge relève l’absence d’urgence ou de circonstances exceptionnelles pouvant justifier une dérogation à cette obligation procédurale essentielle. L’annulation prononcée en première instance repose donc sur un vice de forme substantiel entachant la légalité de la mesure de transfert.

II. Le rejet du sursis à exécution fondé sur l’absence de moyens sérieux

A. Le défaut de caractérisation d’un élément d’appréciation nouveau

Le code de procédure pénale dispose que « l’affectation ne peut être modifiée que s’il survient un fait ou un élément d’appréciation nouveau ». L’autorité ministérielle invoquait un manque d’investissement de l’individu dans son projet de réinsertion pour justifier son changement de régime de détention. La juridiction constate cependant que l’administration ne verse aucun élément concret permettant de donner une consistance réelle à ce motif d’affectation. Le comportement de la personne incarcérée n’avait révélé aucune incompatibilité manifeste avec son maintien dans un établissement de détention en milieu ouvert. Les moyens soulevés en appel ne paraissent donc pas sérieux pour justifier l’annulation du jugement attaqué par l’administration.

B. L’absence démontrée de conséquences difficilement réparables

La demande de sursis à exécution suppose également que l’exécution immédiate du jugement entraîne des conséquences difficilement réparables pour l’intérêt général. L’ordonnance retient qu’une éventuelle annulation ultérieure nécessiterait seulement un nouveau transfèrement du détenu vers son lieu d’incarcération précédent. L’administration ne démontre pas de risques particuliers pour l’ordre public ou la sécurité du centre de détention en cas de réintégration. Le juge des référés conclut que les conditions cumulatives posées par le code de justice administrative pour ordonner le sursis ne sont pas réunies. La requête de l’autorité ministérielle est rejetée, confirmant ainsi l’obligation de réintégrer l’intéressé dans son établissement d’origine sous un délai bref.

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Hassan KOHEN
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