Cour d’appel administrative de Lyon, le 10 avril 2025, n°24LY02393

La cour administrative d’appel de Lyon a rendu un arrêt le 10 avril 2025 relatif à la qualification fiscale des rémunérations versées aux gérants. Le litige porte sur la réintégration de sommes perçues par des associés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers faute de décision collective. Une société à responsabilité limitée, spécialisée dans la menuiserie métallique, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour les exercices clos en 2016 et 2017. L’administration a constaté l’absence de dépôt de déclarations de résultats et a procédé à une évaluation d’office des bénéfices de l’entreprise vérifiée. Le vérificateur a ensuite imposé les rémunérations déclarées par les cogérants comme des revenus distribués sur le fondement de l’article 109 du code général des impôts. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de décharge de ces cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu par un jugement du 14 juin 2024. Les requérants soutiennent devant la juridiction d’appel que les sommes versées correspondent à un travail effectif et furent régulièrement approuvées par les assemblées générales. Le juge doit déterminer si le défaut de formalisation régulière de la rémunération des gérants permet d’imposer ces sommes au titre des revenus de capitaux mobiliers. La cour confirme la solution des premiers juges en écartant les délibérations sociales irrégulières ou tardives produites par les associés pour justifier leurs revenus.

I. La subordination fiscale de la rémunération à la régularité sociétale

A. L’exigence d’une décision collective des associés

La rémunération des gérants d’une société à responsabilité limitée est fixée soit dans les statuts, soit par une décision collective des associés réunis en assemblée. Les juges rappellent que « la rémunération des cogérants n’est pas fixée par les statuts mais par une délibération des associés » selon les actes de la société. Cette règle impose aux gérants de rapporter la preuve d’un titre juridique régulier pour justifier le versement de leurs émoluments au titre du travail effectué. L’administration peut valablement regarder comme des revenus distribués toute somme mise à disposition des associés qui ne repose pas sur une telle délibération préalable. Le lien entre le droit des sociétés et le droit fiscal s’avère ici étroit pour qualifier la nature exacte des sommes versées aux dirigeants sociaux.

B. L’insuffisance des approbations a posteriori ou équivoques

Les requérants invoquaient une décision de 2014 pour justifier les sommes perçues lors des exercices 2016 et 2017 sans établir de lien juridique permanent. La cour écarte ce moyen en soulignant que « l’approbation des comptes annuels de l’exercice clos le 30 septembre 2013 ne peut concerner que cet exercice ». Les associés ne démontrent pas que les montants inscrits en 2020 ne comprenaient que des compléments de rémunérations à celles initialement prévues pour l’année 2013. Une délibération ancienne ne saurait donc servir de fondement automatique pour des exercices ultérieurs sans une nouvelle manifestation de volonté explicite du corps social. Cette solution protège l’intérêt social en empêchant le maintien de prélèvements financiers sans contrôle régulier de la part des associés de la structure.

II. Le formalisme rigoureux des délibérations comme condition de décharge

A. Le strict respect du délai légal de réunion

L’article L. 223-26 du code de commerce impose la réunion des associés pour l’approbation des comptes dans un délai de six mois après la clôture. Les juges relèvent que les délibérations de novembre 2020 « n’ont pas été adoptées dans le délai de six mois » pour les exercices clos en 2016. Aucune prolongation de ce délai par décision de justice n’est par ailleurs invoquée par les contribuables pour justifier ce retard particulièrement important dans le calendrier social. La cour note également que ces décisions interviennent après la réception d’une proposition de rectification mentionnant l’absence de formalisation des rémunérations par les associés. La régularisation tardive, effectuée après le début du contrôle fiscal, perd ainsi sa force probante pour contester utilement la qualification de revenus distribués.

B. L’impératif de force probante des registres sociaux

La validité fiscale des actes sociaux dépend du respect minutieux des prescriptions de l’article R. 221-3 du code de commerce relatif à la tenue des registres. Le procès-verbal litigieux comprenait des feuilles mobiles non numérotées et non paraphées par une autorité judiciaire ou municipale compétente selon les constatations du juge. La cour juge que ces manquements empêchent de regarder les sommes litigieuses comme des salaires régulièrement versés dans l’intérêt de la société à responsabilité limitée. L’administration fiscale a donc « à bon droit » imposé les montants déclarés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers par application du code général des impôts. Cette décision confirme que l’absence de formalisme régulier en droit des sociétés prive le contribuable de la possibilité d’opposer la qualification de salaire.

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Hassan KOHEN
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